Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

[Tribune] " Ne dites pas à mes beaux-parents que je suis commercial "

Publié par le | Mis à jour le
[Tribune] ' Ne dites pas à mes beaux-parents que je suis commercial '

Ancien directeur commercial, ex-responsable de grands groupes, Dominique Lietar, manager commercial de l'année 95, livre son regard sur la vente tout en donnant quelques précieux conseils...

Je m'abonne
  • Imprimer

Fatigué de lire tout et surtout n'importe quoi sur l'environnement de la vente et du management commercial, j'ai finalement et devrais-je dire enfin, décidé de m'exprimer sur le sujet. D'autant que je viens de lire dans "Harvard Business Review" un article sans le moindre intérêt nommé " What Makes Great Salespeople" écrit par un dénommé Ryan Fuller lequel comme la plupart de ces brillants auteurs, n'ont jamais exercé ce noble métier et ne savent pas de quoi ils parlent. Il en est de même de tous ces consultants aux méthodes irréfutables du type "Team Building", ayant pour objet d'optimiser le rendement d'un collaborateur ou d'une équipe.

Laissons les gens faire leur travail et arrêtons de leur pourrir la tête avec des méthodes qui ne valent rien si ce n'est que de stresser les participants, gérer un esprit de compétition malsain et bien souvent destructeur. Le Taylorisme en fin de compte, ce n'était pas si mal !

Ce que j'ai voulu au travers de cet article, c'est revaloriser le métier du Commercial et transmettre les valeurs et les compétences qui doivent être celles des Commerciaux et de leurs encadrants, car pire encore que pour les Commerciaux, la grande majorité de ces encadrants n'ont reçu aucune formation pour assumer correctement cette importante fonction.

Le Commercial

Avant tout, la vente est un métier, une profession à part entière et tout à fait respectable. Je déteste le terme vendeur que j'assimile à celui de VRP. En écrivant cela, je vois cet excellent acteur qu'est Jean Pierre Marielle incarnant le pitoyable personnage d'Henri Bertin représentant en parapluies dans le film " Les galettes de Pont Aven ".

J'ai rencontré beaucoup de gens et notamment de chefs d'entreprise ou autres dirigeants qui m'ont profondément choqué par le manque de considération, voire le mépris qu'ils avaient pour cette profession difficile, demandant beaucoup de qualités, et bien souvent ingrate.

Il est vrai que je ne connais pas de véritables écoles de vente et que beaucoup pensent qu'un bon bagout est la principale qualité d'un bon commercial. A titre d'anecdote, je n'oublierai jamais ma première visite chez mes futurs beaux-parents, notables de province aux enfants et gendres médecins, pharmaciens ou encore avocats. J'étais le chien dans le jeu de quilles, l'on dirait de nos jours, une erreur de casting.

Il faut bien comprendre que dans ce métier, rien n'est jamais acquis et que chaque mois est une remise en cause. Aucune garantie de salaire, un stress permanent et cependant un métier non reconnu comme tel. Quand tout va bien, vous êtes une star adulée et subitement ignoré dès que vos résultats sont moins bons.

Il en est de même pour la rémunération, laquelle peut atteindre des sommets indécents tout comme des bas tout aussi indécents. Cela étant, je reconnais volontiers que c'est ce qui m'a séduit dans ce métier, d'autant plus que j'y ai plutôt bien réussi.

La réussite dans une entreprise c'est l'affaire de tous

Je me rappellerai toujours du Président d'un groupe important qui m'avait confié la Présidence d'une des branches du Groupe et qui m'a dit lors d'un séminaire des dirigeants : " Vous avez réussi au cela de mes attentes, comment faites-vous ?" Je lui ai répondu, j'ai une vision stratégique, je sais m'entourer et surtout écouter les gens dont je m'entoure.

Une autre fois lors d'une interview à la télévision, et alors que j'occupais un poste de Directeur General dans un grand groupe, on me demanda combien de personnes je dirigeais. Ma réponse, au grand étonnement du journaliste, fut six, soit le nombre de participants à mon comité de direction !

Ma vision du commercial

Organisation

-On ne part pas le matin dans le sens dans lequel est garée sa voiture

-L'activité d'un bon commercial est planifiée plusieurs semaines à l'avance

-Un bon commercial doit passer au moins 25% de son temps au bureau

Préparation

-On ne rend pas visite à un client uniquement par simple courtoisie.

-Quel est le but de ma visite et celui-ci défini, préparer son rendez-vous dans ce sens

Je me souviendrai toujours, lors de mes débuts dans la vente, d'un commercial de mon équipe, lequel très zélé et tout autant discipliné faisait ses huit visites par jour, sans résultats malheureusement. Tout simplement parce qu'il arrivait chez ses clients sans avoir pris rendez-vous et en n'ayant pas préparé sa visite. A l'époque notre job consistait à remplacer des matériels de type 2000 par des nouveaux modèles de type 3000. Notre ami arrivait chez son client et demandait à voir le compteur de copies effectuées sur la 2000, et là, il lui disait ,

" Vous faites trop de copies, il faudrait changer votre machine pour une 3000. " Réponse invariable du client, " écoutez rien ne presse nous verrons cela une prochaine fois "

Quant à moi, je me faisais communiquer par le service technique les relevés de consommations de mes clients et dès lorsque la mise en place d'une 3000 était possible, je faisais une simulation financière. Celle-ci faite, j'appelais mon client et lui disait que je pouvais lui remplacer sa machine par un modèle plus performant et cela au même coût. Et là, rare sont les clients qui ne me recevaient pas, et bien évidemment la grande majorité changeait leur matériel. Et voilà comment l'on devient le meilleur commercial de France.

La prise de rendez vous

La prise de rendez-vous est déjà un acte de vente

Ne jamais perdre de vue que pour qu'il y ait vente, il faut un besoin et un intérêt à vous recevoir pour le client

Quel interlocuteur

On distingue trois types d'interlocuteur en fonction de la taille de l'entreprise et de son organisation:

-Le prescripteur

-Le décideur

-Le signataire

Il est donc important de bien connaître l'activité de l'entreprise et son organigramme

La business review

-Se fait au moins une fois par trimestre en présence et sous l'autorité du chef de vente ou directeur commercial

-Très importante pour le commercial et son encadrant, elle permet d'analyser la qualité du suivi des affaires. C'est un véritable et redoutable outil de management qui décide souvent de l'avenir du commercial

Les 11 clés qui font un très bon commercial

1-La Personnalité

C'est tout simplement ce qui vous distinguera de votre concurrent et vous rendra plus sympathique, attachant et crédible.

Un exemple :

Lorsqu'il m'arrivait de superviser le recrutement de commerciaux lesquels venaient de rencontrer trois chefs de vente, je leur demandais ce qu'ils en avaient pensé et avec lequel ils souhaiteraient travailler. La plupart d'entre eux me répondaient, ils sont tous très bien et je n'ai pas de préférence. Ceci étant parfaitement faux, leurs candidatures n'avaient aucune chance d'être retenues. Pour ceux qui s'étaient exprimés, je leur posai une dernière question qui était invariablement : "Nous venons de passer vingt minutes ensemble, que pensez vous de moi". Je peux vous affirmer que ceux qui osaient se lancer et répondaient correctement, nos seulement étaient recrutes, mais faisaient d'excellents commerciaux.

2-Capacité d'analyse

Etre capable d'interpréter toutes les données que vous aurez collectées afin de trouver le meilleur angle d'attaque de votre approche.

3-Empathie

Savoir se mettre dans la peau de son interlocuteur afin de mieux le comprendre et anticiper ses attentes et réactions. C'est probablement la qualité la plus importante pour un commercial.

Un exemple :

Savez-vous pourquoi les acheteurs de la grande distribution ou de la vente par correspondance ne reçoivent jamais les fournisseurs dans leur bureau mais dans une salle de réunion? Et bien tout simplement parce qu'un bureau généralement personnalisé peut donner des points d'attaque au fournisseur. Je m'explique. Si vous pénétrez dans mon bureau, vous y verrez des gravures de bateaux ou de golf. Et la, si votre culture générale vous le permet, vous me parlerez bateau ou golf et ainsi détendrez l'atmosphère, vous rendra sympathique à mes yeux et surtout abaissera ma garde.

4-Culture générale

Afin d'être capable de soutenir vire d'animer une conversation ne serait ce que sur l'actualité du jour

5-Education

Je me souviens d'avoir pris l'initiative de faire donner des cours de maintien à une équipe de commerciaux " Grands comptes ". En effet, à ce niveau d'activité, il est fréquent de déjeuner avec ses clients ou de les recevoir sur une opération de relation publique du type Rolland Garros. Et dans ce cas, un minimum de maintien et savoir vivre s'imposent.

6-Connaître son client

En dehors du minimum de professionnalisme que l'on doit montrer en maitrisant parfaitement l'activité, le marché et la situation de son client, cette qualité séduira votre client et fera de vous à ses yeux un pro.

7-Ne jamais brader ses produits

Laissons cela aux VRP's. Si votre offre est appropriée aux attentes de votre client et votre négociation bien menée à son terme, la question ne doit même pas se poser.

8-Savoir conclure

Point faible de nombreux commerciaux. Une négociation qui traine en longueur a toutes les chances de ne jamais aboutir.

9-L'enthousiasme

Il se communique à votre client et le rassurera. On n'a pas envie de traiter avec un commercial que son métier a l'air d'ennuyer au plus haut point. A cet égard, j'ai toujours recommandé à mes commerciaux qui n'avaient pas la forme, de rester chez eux ou d'aller au cinéma.

10-La chance

Sans commentaire !

11-Se faire respecter

Indispensable dans toute négociation.

J'aurais voulu être un...

-Ne pas avoir honte de n'être qu'un commercial. J'ai connu un excellent commercial grands comptes, l'un des meilleurs qui soit. Brillant et respecté par ses pairs, sa rémunération très élevée lui permettant de mener grand train. Mais il arriva un moment ou devrais-je plutôt dire un âge auquel n'être toujours qu'un commercial devint insupportable pour lui dans le milieu qu'il fréquentait. Il avait honte de ce qu'il était et le vivait de plus en plus mal. Il s'en ouvrit à moi, me suppliant de le nommer chef de vente, position, à ses yeux, plus respectable. J'ai fini par céder tout en étant certain qu'il courrait à l'échec. En effet, habitué à se gérer tout seul, il fut complètement incapable de gérer une équipe de dix personnes. Au bout de trois mois, de lui-même, il me demanda à repasser commercial.

Malheureusement, il fut très marqué par cet échec et tomba dans une période dépressive dont il ne se remettra pas.

Deux leçons sont notamment à retenir de cette histoire:

-Un bon commercial ne fait pas forcément un bon chef de vente

-Ne pas avoir honte de n'être qu'un commercial d'autant plus lorsqu'on est très bon

L'encadrant, chef de vente ou directeur des ventes

Poste clé dans l'organisation commerciale pour lequel la plupart des élus n'ont pas été préparés

Rôle de l'encadrant

Avant toute chose, le chef de vente n'est pas le nième vendeur de son équipe. Son rôle est de piloter et encadrer l'activité de ses commerciaux, et cela se fait au bureau, en tête à tête, au travers notamment de business reviews. Là est sa véritable valeur ajoutée.

Contrairement à la majorité des idées reçues, il ne doit passer qu'un minimum de temps sur le terrain:

-Pour accompagner et tester un nouveau commercial

-Pour analyser les faiblesses d'un commercial en manque de résultats

-Pour épauler un commercial sur une affaire délicate

C'est un psychologue qui doit savoir être à l'écoute de ses troupes et ce d'autant plus que la plupart des commerciaux sont de grands affectifs. C'est enfin un animateur respecté au leadership reconnu, qui sait fédérer et motiver ses troupes.

Bio :

Dominique Lietar a passé dix ans chez Xerox dont un an aux usa, comme commercial, chef de vente, directeur de marchés nationaux, puis directeur marketing des systèmes xérographiques. Il rejoint par la suite pendant cinq ans DHL en tant que directeur commercial et marketing. A ce titre il a été désigné Manager Commercial de l'année 1995 par les lecteurs d'Action Commerciale. Puis il a été successivement p-dg de GL.Location, p-dg de Isa International, dg d'Econonocom Télécommunication, puis enfin CEO d'Abaceo New York.

Dominique Lietar dirige aujourd'hui DSL Conseil afin d'aider des entreprises à améliorer les performances de leurs forces de vente et surtout d'en coacher les encadrants.


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page