Management : la recette Deschamps pour être champion du monde
Une deuxième étoile, un groupe uni, un sélectionneur triomphant : l'image renvoyée par l'équipe de France au Mondial est idyllique. Si le succès s'est construit pièce par pièce, trois ingrédients ont permis aux Bleus d'être sur le toit du monde.
Je m'abonne1. Un patron : disposer d'un leader charismatique
Avec Didier Deschamps ? "Rien n'est laissé au hasard, toutes les chances sont de notre côté. Le coach nous donne toutes les clés et c'est à nous de les utiliser". Voilà comment l'avant-centre des Bleus Olivier Giroud perçoit le rôle du sélectionneur. Une idée de l'importance d'avoir un leader dans une équipe qu'elle soit sur la pelouse ou en entreprise.
"Le leadership est un élément indispensable dans un groupe, explique Julien Perruchot, senior manager dans un cabinet de conseil en management. Quand on fixe un cap dans une entreprise et qu'on peut se targuer de résultats probants, d'un caractère qui lie humilité et détermination, on incite ses collaborateurs à se dépasser".
Un leadership assumé qui transparaît au travers de l'expérience du sélectionneur. "Il bénéficie d'une aura comme champion du monde en 1998 et a toujours eu ce rôle de meneur d'homme. C'est ce qu'on attend d'un chef", ajoute-t-il.
Lire aussi : Yann Pierre, directeur commercial de Waga Energy
Reste à bien utiliser ses caractéristiques de leader pour magnifier le travail des équipes : "Normalement, un leader doit laisser la main à ses équipes et se limiter à les accompagner. C'est surtout une histoire de confiance", précise Julien Perruchot.
Une confiance s'établit aussi à travers l'établissement de règles. Pour Nicolas Dugay, directeur général de Booster Academy et auteur du livre "La préparation mentale" (Editions Jouvence), être un leader "c'est la capacité à influencer et à fédérer un collectif. Cela passe par la définition d'un cadre à respecter par les équipes".
Rien de mieux ensuite que d'inculquer une culture de la gagne et de la réussite.
2. Une équipe : construire un groupe soudé
Avec une moyenne d'âge de 25 ans et 10 mois, l'équipe de France est la deuxième plus jeune nation à être sacrée en Coupe du monde après le Brésil de 1970. Quelques cadres, plus anciens, pour l'expérience internationale, et pléthore de jeunes de moins de 25 ans, talentueux et prometteurs, à l'image de Kylian Mbappé, seulement 19 ans. Une jeunesse qu'il a fallu gérer et canaliser. "Le sélectionneur est allé chercher chaque joueur pour ses compétences individuelles mais aussi pour des états d'esprit", analyse le senior manager.
Il n'empêche, gérer des jeunes joueurs dans une compétition aussi importante ne relève pas de la fantaisie et s'apparente même à devoir manager des millenials en entreprise. "Globalement, cette génération n'est pas fondamentalement différente de la précédente, c'est juste qu'elle ose s'affirmer", analyse Nicolas Dugay pour qui il faut simplement que le cadre et les règles soient entendus par tous.
Lire aussi : Monter une stratégie de Sales Enablement en 6 étapes
La constitution d'un groupe passe aussi par une diversité de personnalités. "Mélanger les profils est particulièrement intéressant lorsqu'on fonctionne en mode projet, prône Julien Perruchot. Cela permet de créer une cohésion de groupe et de permettre à chacun de prendre un rôle prépondérant à un certain moment, de s'affirmer".
D'autant que si certains membres de l'Équipe de France se sont illustrés pour leur comportement festif et parfois même humoristique, les différences de caractères permettent de former un groupe complet. "Didier Deschamps a réussi à former un groupe uni et soudé pour en faire une fraternité", note-t-il. "L'équité, dans ces situations, est importante puisqu'elle met tout le monde sur le même pied", abonde Nicolas Dugay prenant l'exemple des tâches défensives réalisées par l'ensemble de l'équipe au cours des matchs.
Des plus showmans, comme Paul Pogba ou encore Adil Rami, aux très discrets, comme N'Golo Kanté, les tempéraments, extrêmement divers, ont par ailleurs donné l'impression de dégager une force collective redoutable. "L'ambiance et la cohésion de ce groupe ont permis que tout le monde regarde dans la même direction et que chacun se batte pour son coéquipier", estime Julien Perruchot.
Une force collective - un terme souvent répété par le sélectionneur - alliant aux qualités techniques, des qualités humaines. Une méthode efficace qui s'est aussi transposée au fil des étapes par une métamorphose du leader lui-même. "Le sélectionneur a laissé transparaître ses émotions au fil des matchs alors que ce n'est pas forcément ce qui le caractérisait", note Nicolas Dugay.
3. Une méthode : des bases solides et un objectif commun
Ambition et détermination guident le parcours du sélectionneur, de son passé de joueur, jusqu'à son poste de sélectionneur de l'Équipe de France. Entre responsabilisation, franchise et confiance, le sélectionneur applique sa méthode : vision, travail, écoute et décision.
Une méthode qui convient à Nicolas Dugay pour qui ces quatre éléments sont les ingrédients de la réussite : "Didier Deschamps a réussi à formaliser un cadre où l'exigence, l'exemplarité et l'équité primaient. Si vous laissez quelqu'un sortir du cadre, vous brisez la confiance du groupe dans votre méthode, c'est la même chose en entreprise".
Un besoin de responsabilisation qui s'étaye aussi par les événements passés, à commencer par la notion d''échec qui apparaît aussi comme un facteur du succès d'aujourd'hui.
Lors de l'Euro 2016 en France, l'Équipe de France s'incline en finale contre le Portugal. Un coup dur pour les joueurs à l'époque et le sélectionneur dont ils se serviront pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. "L'équipe d'aujourd'hui est différente d'il y a deux ans. On a 14 nouveaux joueurs qui ont découvert ce qu'était une grande compétition ici, en Russie. Les neuf autres savent ce qui s'est passé en 2016, savent qu'il y a des choses à faire différemment", expliquait Didier Deschamps à l'avant-veille de la finale à Moscou, analysant que le groupe avait peut-être cédé à l'euphorie. "Nourrissez-vous du vécu", s'est-il même exclamé lors d'une causerie d'avant-match en Russie.
"C'est un élément qui a dû indéniablement jouer dans la réussite de ce groupe, néanmoins, il ne faut pas oublier la part d'incertitude qui est aussi le fait du monde de l'entreprise en prise avec des concurrents, par exemple", précise le dg de Booster Academy.
Une histoire douloureuse qui a sans aucun doute servi la réussite de ce groupe, d'après Julien Perruchot : "la vie de tous les groupes est faîte de haut et de bas, de réussites et d'échecs. Le plus important est de partager un objectif commun en se basant sur le passé". Apprendre de ses échecs, voilà peut-être une des raisons du succès de 2018 !