Management : vers un " contrat de confiance " ?
Alors que les commerciaux ont besoin d'être valorisés, distingués, reconnus, comment créer un climat de confiance au sein de sa force de vente ? Les conseils de Hervé Borensztejn, expert en stratégie et RH, à l'occasion de la parution d'un ouvrage collectif " Et la confiance, bordel ? " (Eyrolles).
Je m'abonneEn quoi les commerciaux sont-ils particulièrement concernés par ce sujet ?
Travailler dans la défiance peut coûter extrêmement cher à l'entreprise. A l'inverse, créer de la confiance favorise la performance. Ainsi, la question ne se situe pas au plan des relations individuelles mais relève d'un climat global : la confiance doit être considérée comme un instrument de création de valeur. A cela s'ajoute que, si le déficit de confiance s'étend à toute l'entreprise, les divisions commerciales sont elles aussi touchées par ce phénomène. Chez les commerciaux, la dimension émotionnelle de la relation avec l'entreprise (besoin de reconnaissance) est particulièrement forte. La création de confiance passe précisément par la prise en compte de cette dimension. Quant à la reconnaissance, qui doit être au coeur du management, elle est la base de la confiance.
L'un des facteurs de confiance est la "construction d'un avenir dans l'entreprise et au-delà ". S'agit-il de pousser ses commerciaux... à préparer leur départ ?
Ce n'est pas tout à fait en ces termes que la question se pose. L'entreprise a besoin de ses collaborateurs. Pour autant, aucune ne peut garantir un emploi à vie. La question est plutôt de savoir comment ne pas faire de promesses intenables - recruter un commercial en CDI, c'est déjà un mensonge... Il s'agit ainsi de cultiver la transparence, de préférer un discours de vérité, en promettant non pas un emploi à vie, mais l'employabilité à vie.
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Pour cela, le rôle des managers commerciaux est de développer la compétence de leurs vendeurs, notamment la capacité à travailler ensemble - créatrice de confiance - tout en favorisant la mise en réseau. Un commercial qui quitte une entreprise pourra y revenir demain ou en être prescripteur : les réseaux permettent ainsi de créer une relation de confiance au-delà du contrat de travail. De fait, le manager doit encourager sa force de vente à intégrer des réseaux, d'anciens commerciaux mais aussi extérieurs à l'entreprise, qui seront sources d'idées, de rencontres, d'inspiration, d'innovation et d'épanouissement personnel. Le manager montre l'exemple en intégrant lui-même ce type de réseaux. Aujourd'hui, tout ce qui dépasse la relation contractuelle est dans l'air du temps.
Comment créer de la confiance avec les commerciaux issus de la génération Y, qui ont pour devise :" Donne-moi ta confiance, je te prouverai ma valeur " ?
Les plus jeunes ont particulièrement tendance à substituer au contrat de travail, le contrat de confiance. Ils ont trois types d'attentes. D'abord, leur manager doit incarner véritablement les valeurs de l'entreprise. En cas d'incohérence entre le comportement et le discours officiel, les commerciaux ne sont pas dupes. D'où la nécessité, par exemple, pour le manager, de privilégier un système de rémunération récompensant aussi la performance collective pour rester en cohérence avec son discours.
Ils attendent également que leur soit accordé du temps pour penser à des projets innovants, pas directement connectés avec leurs missions. Ce qui implique un changement de comportement des managers vis-à-vis de l'échec. Si en théorie l'entreprise l'accepte (des projets innovants avortés), en pratique les personnes qui échouent sont souvent ostracisées et les échecs individuels, mal vécus. Il faudrait arriver à renverser sa perception de l'échec et à le voir comme une occasion d'apprendre.
Dernière attente de cette génération : des plans d'évolution sur des temps courts (deux à trois ans). Ainsi, leurs perpectives de carrière doivent être rapprochées dans le temps. Pour cela, le manager doit cultiver la transparence sur les possibilités de mobilité interne et ne pas hésiter à prendre des risques en misant sur un vendeur alors qu'il n'a pas totalement terminé ses missions précédentes...
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Hervé Borensztejn est directeur associé de Karistem, cabinet de conseil en stratégie et transformation des organisations. Diplômé des Mines, il a travaillé 25 ans en entreprise (Vivendi, LVMH, EADS, General Electric), à des postes de direction et de ressources humaines. Aujourd'hui, il donne également des cours à l'université Panthéon-Sorbonne, à Paris II (Assas), à l'Executive MBA de l'Essec et à l'ENA. Il a contribué à l'ouvrage " Et la confiance, bordel ? " en co-écrivant le chapitre : " Que changer dans le management pour restaurer la confiance ? "
< Vient de paraître : " Et la confiance, bordel ? Faire le pari de la confiance en entreprise ", Editions Eyrolles, août 2014, 20 €.
Ouvrage publié sous la direction de l'Institut Montaigne, think thank sur l'action publique, et Financi'Elles, fédération des réseaux de femmes cadres de la banque, finance et assurance.
Réuni en un groupe de travail présidé par Clara Gaymard, présidente de General Electric France, une trentaine de contributeurs (sociologues, économistes, dirigeants, DRH, avocats, psychiatre...), explore les causes du climat de défiance à l'oeuvre aujourd'hui dans les entreprises et propose des solutions fondées sur un nouveau rapport au travail et des méthodes de management repensées.