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Méthodologie

La boîte à outils de la Négociation
Chapitre IV : Savoir gérer la relation

Fiche 06 : Recourir aux solutions bizarres

  • Retrouvez 9 fiches outils dans ce chapitre
  • Publié le 11 déc. 2017
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La boîte à outils de la Négociation

7 chapitres / 52 fiches

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De la créativité pour débloquer les situations


En résumé

Le recours aux solutions bizarres est un procédé utilisable en négociation, pour permettre de débloquer des situations où l'évolution semble impossible parce que les interlocuteurs ne veulent pas changer.

La solution bizarre permet le déblocage car vous créez une situation nouvelle à laquelle l'autre n'est pas préparé.

Cette solution s'appuie sur ce que le négociateur perçoit et analyse de la " pente culturelle " de l'autre : son stéréotype de comportement.

C'est l'addition de la surprise et de la reconnaissance de la pente culturelle de l'autre qui va débloquer la situation au profit du négociateur.

Ce déblocage s'effectue en une sorte de manipulation parce que le négociateur crée une situation nouvelle à laquelle l'autre n'est pas préparé, en s'appuyant sur ce qu'il sait être le stéréotype de comportement de l'autre : sa pente culturelle.

Pourquoi l'utiliser ?

Objectif

Faire changer le comportement de l'autre pour débloquer une négociation.

Contexte

La négociation n'avance plus, l'autre est bloqué " tu peux dire ou faire ce que tu veux, je ne changerai pas ! "

Si vous n'avez pas recours à une solution bizarre, l'autre ne changera pas et la situation restera ainsi.

Comment l'utiliser ?

Étapes

  • Faire le diagnostic de la pente culturelle des " interlocuteurs ".

    La pente culturelle, c'est le stéréotype de leur comportement. Ainsi dans la vie courante : le policier veut toujours avoir raison, l'avare ne veut pas donner.

  • Créer une perturbation.

    Le négociateur imagine une façon de faire qui va déstabiliser l'autre pris au dépourvu.

  • Offrir une situation compatible avec la pente culturelle des " interlocuteurs ".

    Ainsi : un avare se noie dans un bassin, et on veut le sauver.

    Si on lui dit : " Donne-moi ta main ". Il ne la donnera pas car c'est incompatible avec sa pente culturelle qui est de ne pas vouloir donner. Il préférera se noyer...

    Pour le sauver, il faut lui dire ; " prends ma main ". L'avare sait ce que ça veut dire, prendre il a fait ça toute sa vie ! Il va donc sauter sur la main tendue, on pourra alors le soulever pour le retirer du bassin. Le but est atteint !

Méthodologie et conseil

Faire le diagnostic exact qui va permettre au négociateur de construire une situation qu'il va " offrir " à l'autre négociateur, en étant dans le sens de sa pente culturelle.

Comme au judo, il faut déstabiliser l'autre avant d'engager la prise qui va le faire tomber. Créer une véritable perturbation pour l'autre, sans cela pas d'efficacité.

Avantages

  • Redonner de l'espace à la négociation en la débloquant.
  • Redonner du pouvoir à l'autre, ce que vous pourrez échanger par la suite contre un avantage.
  • Prendre de la distance mentale, ce qui va nourrir vos arguments et votre attitude.

Précautions à prendre

  • Ne pas se tromper de pente culturelle, ce qui bloquerait gravement la négociation.
  • Être très naturel dans la façon de faire sa proposition à l'autre, celle-ci doit rester en forces extraordinaires (cf. outil 20).

Comment être plus efficace ?

Vous utiliserez pour définir sa solution bizarre une démarche en quatre phases qui est illustrée par cet exemple de la stratégie de non-violence de Gandhi.

Les Anglais prennent le coton de l'Inde, le transforment chez eux en marchandise, et reviennent vendre aux Indiens le coton transformé en cotonnade. L'Inde se retrouve donc appauvrie deux fois. Gandhi veut arrêter ce processus. La tâche est immense : il s'agit de faire changer le comportement de centaines de millions de mères indiennes pour qu'elles n'achètent plus de cotonnades.

La construction en quatre phases :

Où est le blocage ?

Le négociateur va identifier où se situe le blocage de ses interlocuteurs.

Le problème pour Gandhi, c'est que les fortes pluies de la mousson, augmentent considérablement le degré d'humidité de l'atmosphère. Danger de maladie pour les enfants. Pour les protéger les mères indiennes achètent les cotonnades fabriquées en Grande-Bretagne.

Gandhi voit bien le vrai problème, qui enferme l'Inde dans une double contrainte : d'un côté il ne peut pas empêcher les mamans de vouloir protéger leurs enfants, mais de l'autre côté en faisant ainsi, elles participent à l'aliénation infernale de l'Inde.

Les essais ratés

Le négociateur fait l'inventaire de tout ce qu'il a entrepris pour débloquer la situation sans y parvenir. Pour Gandhi, les essais ratés sont essentiellement qu'en dépit des discours enflammés de boycott, du style " il ne faut pas acheter les cotonnades aux Anglais ", les mamans indiennes continuent à en acheter !

Le changement recherché

Le négociateur s'efforce de préciser ce qu'il veut débloquer dans la négociation. Ainsi, Gandhi veut atteindre deux buts : protéger l'Inde du talon de fer de l'Angleterre, et protéger les enfants contre les maladies pulmonaires.

L'invention de la solution bizarre

Dans cette phase, le négociateur renforce ses capacités d'analyse et fait preuve de créativité. Son analyse portera sur le stéréotype de comportement de ses interlocuteurs, donc sur le diagnostic de leur pente culturelle. La solution bizarre offre un nouveau cadre à ses interlocuteurs. Gandhi sait que dans chaque maison indienne dorment dans un coin deux objets : un rouet et un métier à tisser. Il va s'astreindre dans son Ashram, devant les centaines de disciples et journalistes qui viennent lui rendre visite, à filer et tisser plusieurs heures par jour. Revenus chez eux les Indiens sortent rouet et métier à tisser pour imiter le Mahatma. Résultat : ils fabriquent des cotonnades avec lesquelles ils habillent leurs enfants, tandis que dans le même temps, ils contournent ce que l'Angleterre leur impose : l'achat de leurs cotonnades. Gandhi a atteint son but.

S'appuyer sur la pente culturelle de l'interlocuteur pour qu'il sente reconnues ses valeurs, sa culture, ses passions.

Cas : Briques réfractaires

Deux amis ont décidé de construire un barbecue en forme de four en utilisant des briques réfractaires. Mais ils n'ont ni briques, ni argent pour en acheter et pas de sens moral... Ils ont vu à quelques kilomètres de chez eux, dans un chantier pas très bien gardé, un beau tas de briques. Ils ont décidé d'aller le voler.

Un dimanche, ils sont donc rentrés avec leur camionnette dans le chantier, l'un d'eux prend des briques dans le tas et les jette à son ami qui les entasse dans la camionnette. Soudain, ils entendent du bruit... c'est une voiture de police !

Comment ne pas être verbalisés par les policiers mais aussi repartir avec les briques ?

Les deux amis construisent une solution bizarre.


Analyse du cas : construction de la solution bizarre

Pente culturelle des policiers : le policier veut toujours avoir raison.

Inventer un autre cadre : ils changent de sens, au lieu de continuer à entasser les briques dans la camionnette, à l'arrivée des policiers, ils les déchargent.

Les policiers : " Qu'est ce que vous faites là ? "

Les amis : " On construisait un four chez nous... on avait trop de briques... et, notre jardin était trop petit... alors on est venu les décharger ici ! "

Les policiers : " Ici, c'est pas une poubelle, rembarquez-moi tout ça et fissa ! "

Les deux amis repartent avec les briques !

Patrice Stern, Jean Mouton

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