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[Tribune] Quel est votre pouvoir dans vos relations commerciales?

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[Tribune] Quel est votre pouvoir dans vos relations commerciales?

Dans une relation commerciale, il est naturel de vous demander quel pouvoir réel vous possédez. Alors que chaque interlocuteur veut garder sa capacité de décision, sans être trop influencé, il est indispensable de savoir sur quels facteurs vous appuyer pour être efficace.

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Le pouvoir que l'on possède dans une négociation dépend d'une chose simple : que vos partenaires aient l'impression que vous en avez(1). Car, pour que le pouvoir s'exerce, il ne faut pas nécessairement agir, mais que les personnes croient que vous pourriez agir et influencer leurs décisions.

On considère souvent le pouvoir comme synonyme d'influence, d'autorité, voire de manipulation. Il s'agit en fait de notre capacité à faire faire quelque chose à quelqu'un qu'il n'aurait pas fait de lui-même. D'ailleurs, le pouvoir n'est pas nécessairement visible. En avoir, c'est s'assurer que les événements se produiront comme on le souhaite. Attention cependant à ne pas se faire piéger par le jeu du pouvoir. Dans leur article, Blois et Lacoste donnent cet exemple : un client baisse le nombre de ses fournisseurs, leur donnant ainsi l'impression qu'ils ont plus de pouvoir dans leur relation. Mais, dans le même temps, il fait en sorte de les mettre en compétition avec des challengers, pour qu'ils se sentent remis en cause, inversant alors l'équilibre des forces. À son tour, un fournisseur peut chercher à concevoir une innovation exclusive, plus difficile à remplacer si le client l'adopte. En réaction, le client peut encourager les efforts de R&D chez les autres fournisseurs, etc. Comment sortir de la spirale du dominant-dominé et établir des bases solides de votre pouvoir avec vos clients ?

Les sources du pouvoir en affaires

On peut fonder son pouvoir sur des bases variées : si vous possédez des ressources matérielles peu courantes (matières premières, ap­provisionnements, etc.), contrôlez des activités indispensables (brevets, transport, etc.), ou encore si vous détenez une position-clé dans votre métier, vous savez probablement déjà vous en servir. Mais ce ne sont pas les seules sources de votre pouvoir en affaires. Tout est une question de réputation, finalement.

Vous pouvez asseoir votre pouvoir sur votre expertise, tout d'abord : par des connaissances ou des compétences spécifiques, vous avez le moyen de concevoir des processus innovants pour votre client, de développer des solutions efficaces pour d'autres ou encore d'acquérir une réputation de fiabilité ou de qualité de service, une notion si importante à l'heure des communautés en ligne.

Deuxième facteur, justement, la référence : devenez incontournable dans votre domaine, de façon à ce que votre réputation se construise positivement. Pour cela, chaque partenaire satisfait doit se voir proposer de témoigner en votre faveur, en quelque sorte, vous permettant d'engranger des preuves de votre pouvoir.

Troisième facteur, votre légitimité : dès lors que vos partenaires vous croient naturellement le mieux placé, le plus performant ou le plus fiable, vous devez en jouer et communiquer sur cet avantage compétitif.

Pourtant, combien de fois voit-on des entreprises sous-estimer leur place dans leur champ concurrentiel ou dans le coeur de leurs meilleurs clients ?

Votre quatrième facteur, c'est la récompense : chaque fois que vous allez au-delà des attentes de vos clients, comme les conseiller sur leurs activités ou les aider à résoudre des problèmes épineux dépassant votre relation commerciale, vous vous rendez précieux et accroissez votre pouvoir sur eux.

Attention, deux facteurs sont plutôt négatifs : l'un est le pouvoir de coercition, qui détermine votre capacité de punition ou de nuisance. L'autre est votre talent de manipulation, forcément délicat à employer, puisqu'il réside sur le fait de masquer vos intentions et vos procédés d'influence. Mais il va de soi que, si vous utilisez ces deux ressources dans vos relations commerciales, vous les mettez en péril en sapant la confiance et la réputation que vous cherchez probablement à établir. Il n'empêche que certains de nos contacts n'hésitent pas, en affaires, à?en user, voire en abuser. C'est bien pour cela, notamment, qu'il faut dès que possible ne plus dépendre d'eux, si c'est le cas, ou se séparer de telles relations, si elles ne sont pas capables d'être elles-mêmes des partenaires de confiance.

Le pouvoir, ou l'art de ne pas s'en servir

Idéalement, le pouvoir ne devrait pas être exercé. C'est la perception que les autres ont de vous qui devrait vous en donner. C'est pourquoi les quatre facteurs positifs que sont l'expertise, la référence, la légitimité ou la récompense doivent être employés stratégiquement et concrètement, afin d'établir une ­notoriété robuste qui vous précédera dans vos négociations. C'est d'ailleurs la différence entre être puissant et avoir du pouvoir, soulignent les deux auteurs. Le puissant doit montrer qu'il l'est. Il doit même le démontrer régulièrement, pour éviter que ses relations en doutent un jour. En revanche, celui qui a du pouvoir doit l'avoir dans l'absolu, c'est-à-dire qu'il n'a pas à prouver sa force. Une telle démonstration pourrait justement ruiner sa réputation. Mais attention, tout pouvoir créant des contre-pouvoirs, la personne qui l'utilise court le risque de voir se dresser des protections. Nous voulons tous échapper au pouvoir des autres. Du moins lorsque nous l'identifions.

Le jeu doit donc être subtil... Il convient de laisser toujours une parcelle de ­pouvoir à votre partenaire, de façon à entretenir en lui le désir de poursuivre votre relation. En ce sens, les facteurs négatifs évoqués plus haut sont dangereux. Au lieu de cela, mettez en valeur les expertises ou compétences propres à votre client. La possibilité d'élargir la base de négociation au-delà des attentes habituelles sur le prix ou les délais, par exemple, est justement la preuve de votre capacité à ne pas dépendre d'un bon vouloir simpliste de l'acheteur. C'est une preuve de votre pouvoir, qui vous permet d'orienter le cadre de la relation commerciale vers des options favorables aux deux parties. On pourrait appeler cela le pouvoir de construire un meilleur avenir !


(1) D'après un article de K. Blois et S. Lacoste, "Power in Business-to-Business Relationships - Some Problems of Interpretation", 25 th IMP Conference, Marseille, 2009.

L'expert
Pascal Brassier est maître de conférences en marketing, vente et négociation à l'École universitaire de management de l'université d'Auvergne, et responsable de la mention marketing.Coresponsable de l'équipe recherche en marketing du laboratoire CRCGM, il est l'auteur du blog www.negoexperts.fr.


 
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