Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Mutualisation des forces de vente, une stratégie payante ?

Publié par le | Mis à jour le
Mutualisation des forces de vente, une stratégie payante ?

En matière de distribution, la spécialisation des forces de vente par catégories de produits ou marques a longtemps été la norme. Mais une nouvelle stratégie émerge, désignant un seul interlocuteur pour chaque point de vente. Pourquoi et selon quelles conditions engager une telle démarche ?

Je m'abonne
  • Imprimer

Si cette forme de mutualisation va a priori à l'encontre de « l'expertise rayon » des Chefs de Secteur (CS), elle répond à de forts enjeux actuels.

Une tendance boostée par la conjoncture

C'est d'abord une façon pour les industriels de réduire leurs coûts. Dans un contexte où ils peuvent difficilement répercuter sur leurs prix de vente les hausses de coûts qu'ils subissent (matières premières, emballage, énergie, transport), la mise en place d'une force de vente mutualisée permet de rationaliser les effectifs et, par conséquent, la masse salariale, tout en gagnant en efficacité commerciale. De plus, l'attribution de chaque secteur géographique à un seul CS s'accompagne d'une réduction du parc de véhicules dédiés à la force de vente et ainsi des dépenses associées.

Au coeur de la démarche également, des enjeux RH. Sur un marché de l'emploi en tension, les commerciaux sont difficiles à recruter, mais surtout à fidéliser. Si le temps passé sur la route nuit à l'attractivité du métier, c'est encore plus vrai pour l'augmentation des tâches que la plupart des Chefs de Secteur réalisent en magasin et qui ne correspondent pas réellement à leurs aspirations.

Bien pensée, une stratégie de mutualisation permet de réduire la taille des secteurs, des portefeuilles et donc les kilomètres parcourus par les commerciaux. Le fait de travailler sur plusieurs catégories de produits et un plus grand nombre de références offre davantage de pouvoir aux CS dans chaque magasin et accroît leur chiffre d'affaires potentiel. Enfin, un tel projet peut être l'occasion de généraliser les binômes CS/Promoteur de Ventes (PV), ce qui, en allégeant les tâches d'exécution des CS et en leur permettant de consacrer plus de temps à la négociation et au développement de leur CA, renforce l'attractivité du métier et contribue à les fidéliser.

Enfin, une stratégie de mutualisation répond à des enjeux RSE pour l'entreprise. La réduction des kilomètres parcourus par les équipes de vente et une meilleure organisation des activités terrain se traduisent par une baisse des émissions de gaz à effet de serre, une amélioration du bilan carbone et de meilleures conditions de travail pour les collaborateurs mobiles.

Une stratégie pertinente pour toutes les entreprises ?

On pourrait ainsi considérer la mutualisation des forces de vente comme une réponse universelle aux défis des acteurs PGC. Mais s'engager dans cette démarche n'a de sens que si cette forme d'organisation est cohérente avec la stratégie globale de l'entreprise. La constitution d'une force de vente unique apparaît comme un choix pertinent dans des contextes spécifiques, comme des fusions-acquisitions (où se pose la question de doublons, ou au contraire, des manques d'équipes de vente et de management des ventes), ou bien des contextes de réorientations stratégiques (où un groupe qui jouait jusque-là la concurrence entre ses marques/filiales décide d'afficher un visage unique pour peser davantage chez les distributeurs.)

La mutualisation est aussi une option pertinente pour les directions commerciales qui doivent resserrer leur force de vente à la demande d'un siège international comprenant mal les spécificités du marché français.

Enfin, les opérations de mutualisation concernent généralement des forces de vente opérant sur les mêmes circuits, le plus souvent GMS. Les mutualisations intercircuit sont rares mais peuvent être envisagées dans les secteurs urbains denses où la logique de quartier et la proximité peut prendre le pas sur les logiques catégorielles.

Les 3 piliers d'une mutualisation réussie

Quelle que soit la taille de l'entreprise, mettre en place une stratégie de mutualisation ne s'improvise pas.

Ce type de réorganisation exige tout d'abord de solides études en amont, afin de déterminer le nombre de chefs de secteurs nécessaires pour une couverture optimale du territoire, ainsi que le niveau de pression commerciale à exercer. Cette approche est un préalable indispensable pour définir et valider l'optimum théorique en quantifiant l'impact de sa mise en oeuvre sur les effectifs en place.

Une nouvelle sectorisation commerciale est également fondamentale. Un tel redécoupage du territoire en fonction de nouveaux objectifs est un exercice complexe en ce qu'il implique des arbitrages RH : Quel est le commercial le mieux placé géographiquement pour prendre en charge tel secteur ? Quels sont les nouveaux secteurs dépourvus de commerciaux ? Quels sont les employés qui accepteraient de déménager ? Où faudra-t-il recruter ? Autant de questions qui ne peuvent être tranchées sans négociation avec les instances sociales de l'entreprise.

Il est essentiel de souligner qu'un projet de mutualisation des forces de vente ne consiste jamais à diviser l'effectif préexistant. Chaque commercial devant représenter un plus grand nombre de références, l'augmentation de la charge de travail justifie la création de secteurs géographiques moins étendus et une réduction de la taille des portefeuilles individuels. Cela se traduit souvent par une augmentation du nombre de secteurs et autant de postes de commerciaux et de promoteurs à pourvoir. En revanche, la fusion de plusieurs forces de vente s'accompagne d'une rationalisation de l'échelon managérial. Il serait contre-performant de maintenir autant de managers qu'il y avait de catégories et marques avant la mutualisation.

Autre pilier d'une stratégie de mutualisation réussie, un accompagnement soutenu des équipes. Passer de 150 références d'une même catégorie à la maîtrise de plus de 400 sur 3 catégories ne se fait pas du jour au lendemain, et la formation est essentielle à l'acquisition d'une expertise rayon.

L'accompagnement opérationnel est tout aussi important pour installer de nouvelles pratiques et méthodes de travail. Le fait de disposer d'un plan d'action individuel détaillant, point de vente par point de vente, les objectifs de vente et de fréquence de visites ne peut qu'aider le commercial à s'approprier son nouveau périmètre.

L'expérience montre qu'il faut compter entre 6 et 12 mois pour que tous les collaborateurs formés et que la nouvelle organisation mutualisée soit vraiment opérationnelle. Cette période permet en outre d'effectuer les ajustements nécessaires au niveau de la sectorisation pour s'assurer que toute la base de magasins est couverte et que les secteurs sont équitables en termes de charge de travail et de potentiel. Dans ce contexte, il est important de disposer d'une vision d'ensemble et de pouvoir anticiper l'impact de chaque changement ponctuel.

Pour aller plus loin

Patrick Tellouck, Managing Director Field Sales Division chez Nomadia


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page