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Quand les grands magasins du XIXe éclairent les évolutions du commerce contemporain

Publié par Aude David le - mis à jour à
Quand les grands magasins du XIXe éclairent les évolutions du commerce contemporain
© pict rider - Fotolia

Le monde de la vente subit de fortes transformations depuis plusieurs années. Mais à bien y regarder, le secteur a toujours connu de profondes mutation. Lors d'une conférence dans le cadre de la chaire Prospective du commerce, l'ESCP Europe propose un retour historique sur la vente.

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Alors que le monde de la vente est en pleine mutation à l'issue incertaine, il est intéressant de se rappeler qu'il ne s'agit pas du premier bouleversement que subit le commerce. Et probablement pas le dernier. "L'innovation a toujours été un sujet phare dans le commerce", affirme d'ailleurs Michel-Edouard Leclerc lors d'une conférence de la chaire Prospective du Commerce dans la société 4.0 de l'ESCP Europe.

Le XIXe siècle a par exemple été l'occasion d'une véritable révolution commerciale, avec l'avènement des magasins de nouveautés, nés à la fin du XVIIIe siècle spécialisés dans les articles de toilette. Ils donneront naissance aux grands magasins, comme l'a raconté durant cette conférence le professeur Jean-Claude Daumas, spécialisé en histoire contemporaine à l'université de Franche-Comté.

Il explique ainsi que l'avènement de ce type de commerce correspond à "une hausse de la consommation vestimentaire dans les milieux aisés et au développement de l'industrie textile". L'évolution commerciale advient donc pour répondre à une modification de la demande et est rendue possible par des changements technologiques.

Révolution commerciale

Les modalités de vente vont être révolutionnées par ces magasins : entrée libre, prix fixe (donc pas de marchandage), pas de crédit, envoi par correspondance, personnel qui ne force pas à la vente. "Il y a une continuité évidente avec les grands magasins, mais il se produit un changement d'échelle radical. Il y a aussi un élargissement de clientèle, des classes supérieures jusqu'aux classes moyennes", souligne le professeur.

Les grands magasins reprennent les techniques de vente des boutiques de nouveauté mais vont les "radicaliser" : accélération de la rotation des stocks, baisse des marges pour vendre plus et moins cher... Les espaces sont repensés avec des produits mis en évidence dans des comptoirs spécialisés plus ou moins autonomes, dans lesquels les vendeurs sont invités à prendre des initiatives et sont commissionnés sur les ventes.

Là encore, les transformations technologiques, industrialisation, chemin de fer et transformation de Paris par Haussmann vont jouer un rôle dans le développement de ces magasins. Et ils vont peu à peu élargir leur offre pour couvrir tous les loisirs de la bourgeoisie.

Mais si ces boutiques ont initié les fondamentaux de la vente contemporaine, à la fin du XIXe siècle, ils ne représentent que 17% du commerce de détail à Paris. Il était difficile à l'époque de prédire avec certitude que ces modèles deviendraient dominants. Et ces magasins occultent les évolutions qui permettent aux classes populaires d'accéder à la consommation et rompre avec les modèles de distribution traditionnels : coopératives ouvrières qui diffusent de nouvelles pratiques commerciales, magasins à prix uniques, magasins vendant à crédit, autant de modèles qui se chevauchent.

Deuxième révolution dans les années 1950

La deuxième grande révolution apparait après la Seconde Guerre mondiale avec le développement des grandes surfaces. La France, où les petits commerces dominent encore, observe ce qui se fait aux États-Unis mais ne l'imite pas brutalement. La raison ? "Il y a un frein psychologique. On pense que la ménagère ne serait pas prête à acheter dans ces lieux. De plus, la faiblesse de l'équipement en réfrigérateur et en voiture rend difficile le développement du commerce concentré", explique le professeur.

En 1947, c'est l'adoption du libre-service. Et, peu à peu, se développent les grandes surfaces et les discounts. "Le grand bond, c'est Carrefour avec l'hypermarché en 1963. Mais les fondateurs n'ont alors pas l'impression de faire quelque chose de nouveau. L'originalité, c'est que tout est réuni sous le même toit, raconte l'historien. Il se distingue du supermarché parce qu'il est implanté en banlieue." Il faut donc une voiture pour s'y rendre. Michel-Edouard Leclerc témoigne : "l'émergence de la société de la voiture individuelle a été notre révolution digitale. Dans le commerce, on ne savait pas faire de publicité hors de notre zone de chalandise, on n'avait pas de place pour garer les voitures".

Après sa période de gloire, "l'hypermarché donne des signes de faiblesse depuis les années 90", estime le professeur. Pour autant, "il n'est pas question de trouver dans les recettes passées une voie pour le futur. Mais on constate que ces moments de basculement d'un système à l'autre sont liés à l'apparition de nouveaux acteurs et sont précédés de périodes de tâtonnement et d'expérimentation. De plus, l'innovation n'aboutit pas à un modèle standard mais à des déclinaisons spécifiques en fonction des modèles intellectuels et de la trajectoire des acteurs", développe Jean-Claude Daumas. Qui plus est, "la révolution commerciale vise à articuler la consommation et la production, et elle bouleverse toujours l'organisation de la société. Le e-commerce le montre largement", conclut-il.

 
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