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[Tribune] Le FOMO, source majeure d'opportunités...loupées ?

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[Tribune] Le FOMO, source majeure d'opportunités...loupées ?
© gustavofrazao - stock.adobe.com

Développer chez son client le FOMO (ou Fear of Missing Out), ou autrement dit la crainte de passer à côté d'une « affaire », est-elle une pratique éthique ? À quelles conditions s'avère-t-elle efficace ? Éléments de réponse.

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Qui oserait remettre en question le FOMO, ou Fear of Missing Out, c'est-à-dire la peur de manquer une opportunité, en tant qu'argument commercial ? Ce principe s'érige en un outil d'influence ou de manipulation, ancré dans un jeu psychologique, au sens que l'analyse transactionnelle lui accorde.

Souvent utilisé dans une page de vente ou un argumentaire, il pose toutefois des questions d'ordre éthique : le délai de réflexion accordé au client permet-il une décision éclairée sans le contraindre ? D'aucuns pourraient arguer que le FOMO implique intrinsèquement une pression intense, incitant à une prise de décision immédiate sans qu'il soit laissé un temps suffisant pour une réflexion ou l'évaluation des alternatives.

Mais la réalité est toute autre : le FOMO n'est autre qu'un jeu psychologique qu'Éric Berne appelle le « C'est maintenant ou jamais », qui se joue entre un marketeur-bourreau et un acheteur-victime. Son efficacité repose malheureusement largement sur une illusion, voire relève carrément du fantasme.

Si dans certains cas nous pouvons penser que cette technique a provoqué une décision rapide, il n'est pas certain que ce soit grâce à ce principe seul. Lorsque son utilisation est « sincère », comme pour un événement en particulier ou un voyage avant que l'avion ou le train ne parte, son impact sur l'achat d'un voyage n'est reconnu que dans 67 % des cas(1) ; l'acte d'achat pouvant être davantage imputé à une proposition de valeur attrayante, répondant aux frustrations ou aux besoins spécifiques de l'instant « t ».

Par ailleurs, un article(2) publié sur le site de l'entreprise britannique Segmentify, spécialisée en machine learning et IA, souligne à juste titre que le FOMO peut conduire à des sentiments de regret et de mécontentement post-achat. Lorsque la température de l'interaction est montée trop vite, elle engendre un sentiment de culpabilité de culpabilité d'avoir cédé à l'achat, ainsi qu'une méfiance accrue envers le commercial, perçu comme manipulateur. Par voie de conséquence, le FOMO engendre des coûts cachés liés aux retours significatifs ou à un taux de chute de renouvellement des contrats, et impacte ainsi la rentabilité à long terme. Si ce type de dysfonctionnement et les régulations qui y sont rapportées ne rentrent pas toujours dans un bilan comptable, un FOMO affecte la satisfaction globale et la fidélité à long terme. Son utilisation excessive comme tactique de vente ou de marketing peut éroder la confiance du consommateur et affecter la réputation d'une marque.

Vers un slow FOMO ?

Il semble enfin que les personnes le plus susceptibles d'être impactés par le FOMO sont celles développant un fort besoin d'appartenance et une peur élevée de l'exclusion sociale, ce qui ne mène pas forcément à des ventes. En effet, ces sentiments peuvent augmenter l'anxiété et la détresse émotionnelle, ce qui nuit incontestablement à la prise de décision rationnelle et à l'engagement envers des marques spécifiques(3).

Pour éviter de rentrer dans ce jeu psychologique, gardez-en tête que créer un sentiment d'urgence doit pouvoir se faire en toute authenticité, transparence et intégrité, tout en respectant un temps de réflexion suffisant. Vous pouvez tout à fait encourager la réflexion, poser un second rendez-vous au cours duquel vous conviez toutes les personnes concernées afin de valoriser la proposition sans créer un sentiment d'urgence artificiel et en profiter pour répondre aux questions, ou afin d'effectuer une démonstration.

Construire la confiance, c'est être respectueux des besoins et de l'emploi du temps de son interlocuteur. Si vous estimez avoir besoin d'un FOMO pour vendre, répondez d'abord honnêtement à ces deux questions : votre proposition de valeur est-elle réellement intéressante pour votre interlocuteur ? et : Consacrez-vous suffisamment de temps à votre démarchage ? Au rythme de trois à quatre rendez-vous commerciaux par jour, j'ai bien sûr échoué à conclure quelques affaires par besoin de réflexion ou autre, et qu'il est probable que sur ce nombre-là, j'ai potentiellement failli à toutes bien les relancer ; mais dans cette configuration, j'ai toujours ramené quatre à cinq contrats par semaine.

(1) Plos One, https://tinyurl.com/36929e2n

(2) Segmentify.com, How FOMO Marketing Drives Consumer Decisions, : https://tinyurl.com/2yj949d9

(3) Hindawi, Fear of missing out : the effects of the need to belong, perceived centrality, and fear of social exclusion : https://tinyurl.com/5n6th6ed

Guillermo Di Bisotto est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont

Questions pour un champion de La vente, publié aux éditions Eyrolles. Il est aussi directeur commercial chez Taskforce, et consultant marketing.

 
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