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Karine Garcini (Fujitsu France) : « Le développement durable désormais au coeur de la relation commerciale »

Publié par Laure Tréhorel le | Mis à jour le
Karine Garcini (Fujitsu France) : « Le développement durable désormais au coeur de la relation commerciale »

Directrice générale de Fujitsu France, Karine Garcini partage sa vision du management, de la place des femmes à des postes de direction, de celle des sujets sociétaux dans la relation commerciale, ou encore de la diversité au sein des équipes de vente. Entretien.

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Peu de femmes atteignent des postes à responsabilités comme le vôtre, qui plus est dans un secteur technologique. Avez-vous vous-même rencontré des difficultés pour y parvenir ?

Karine Garcini : Ce parcours n'a pas été simple pour moi. Le monde de l'IT compte très peu de femmes, et encore moins aux postes clés des entreprises. J'aurais malheureusement beaucoup d'anecdotes sexistes à raconter qui se sont déroulées au cours de ma carrière... qui vont jusqu'à des remarques déplacées sur l'apparence physique.

En tant que femme, je devais montrer plus de preuves de ma légitimité à occuper tel ou tel poste, à gérer tel ou tel compte face à un interlocuteur. Parfois, il fallait même que je sois accompagnée d'un homme pour gagner en crédibilité. C'est un travail doublement plus difficile d'accéder à des postes à responsabilité lorsque l'on est une femme, d'autant plus lorsque l'on est mère. On peut être taxée de carriériste au mauvais sens du terme, car dans beaucoup d'esprits, une femme dirigeante ne peut pas accorder le temps nécessaire à la bonne éducation de ses enfants.

Ce fut votre cas ?

Non. J'ai mis en pause ma vie professionnelle pendant deux ans et demi pour m'occuper de mes enfants (ce qui apparaît visiblement sur son CV, ndlr) et j'ai travaillé aux quatre cinquièmes pendant 10 ans, ce qui ne m'a jamais empêché d'atteindre mes objectifs.

Concilier travail et vie de famille est un impératif personnel, mais aussi un combat de société à mener. Il y a quelques semaines justement, je participais à un workshop sur le sujet de la pression subie par les femmes. Arrêtons de nous culpabiliser ! En tant que directrice générale, j'y veille. Je pense que les moeurs évoluent, et que les plus jeunes générations sont moins enclines à tomber dans cet écueil, mais rien n'est jamais acquis...

À l'heure de la « grande démission », il est parfois difficile de retenir des talents. Quelle est votre méthode ?

En tant que dg de Fujitsu France, je manage environ 330 collaborateurs. Il s'agit des commerciaux mais aussi de toutes les fonctions transverses : ressources humaines, finance, livraison, juridique, RSE et avant-vente.

Je fais en sorte d'être très à l'écoute du bien-être de chacun. Avant que ce terme ne soit très médiatisé, et sans doute aujourd'hui galvaudé, mon management est depuis longtemps axé sur la bienveillance autant que sur la performance. J'ai rapidement découvert que c'était pour moi une réelle satisfaction que de faire progresser mes collaborateurs.

Dans ma précédente entreprise, Microsoft, au sein de laquelle j'étais à la tête de la Business Unit « Business Applications », j'ai suivi le programme interne de formation au management « Coach Care ». Il s'agit d'un programme de développement du leadership, où l'on apprend à décrypter les différents mindsets, à insuffler une dynamique, une motivation et l'envie de se dépasser.

Karine Garcini en trois dates :

2022 - Directrice générale, Fujitsu France

2019 - Head of Business Applications, Microsoft France

2014 - VP Sales Europe, Vocalcom

Enfin, je porte une grande importance à l'inclusion et à la diversité au sein de mes équipes. J'ai mis en place un programme d'actions associatives obligatoires pour les collaborateurs. Il s'agit d'aider les personnes défavorisées à intégrer le milieu de l'entreprise, notamment des personnes en situation de handicap. Mère de trois enfants dont un atteint de dysphasie, je suis très sensible à ce sujet. Mettre en avant ces différences est une forme de richesse, elles ne doivent pas être cachées, y compris dans le milieu de l'entreprise, bien au contraire ! Il est important de libérer la parole.

Comment cela se traduit-il dans votre quotidien ?

Je travaille avec mes équipes sur trois axes : apporter une vision et du sens à leurs missions, créer l'énergie nécessaire pour accomplir ces missions, et enfin l'atteinte du succès. Il s'agit donc pour moi d'endosser le rôle de coach, pour parvenir à débloquer le potentiel de chacun de mes collaborateurs et développer de la résilience au sein de l'équipe. Je fais en sorte que chacun puisse mesurer l'impact de son travail, et de développer une reconnaissance au quotidien. Le principe d'écoute est systématiquement appliqué, ainsi que la mise à niveau des compétences, tout en tenant compte des appétences de chacun.

Les 100 premiers jours suivant mon arrivée chez Fujitsu France, j'ai rencontré l'ensemble des collaborateurs, afin de comprendre leur motivation, leur perception de l'entreprise et leurs attentes. Il est important de travailler les détails, et les premiers instants sont décisifs pour la suite. Dès le parcours d'onboarding, les nouvelles recrues doivent ressentir l'esprit de bienveillance. Un mentor est dédié à chaque nouvel arrivant pour mieux l'aider à prendre ses repères.

Enfin, le bien-être des collaborateurs passe aussi par les conditions de travail. Deux jours de télétravail adaptables par semaine, un open space lumineux, des espaces d'isolement, un service de conciergerie, etc. Nous comptons aussi dans nos équipes des collaborateurs qui habitent en province, et pour lesquels nous adaptons au mieux les process.

Afin de vérifier de façon tangible cette politique d'intégration et de bienveillance, nous menons deux fois par an des enquêtes salariés. Nous pouvons ainsi nous féliciter d'un bon taux d'engagement.

Fujitsu est une entreprise d'origine japonaise. Comment percevez-vous cette spécificité ?

Je connaissais assez peu l'univers de Fujitsu avant d'avoir été chassée par un recruteur pour ce poste. Mais lorsque j'ai passé les premiers entretiens, je me suis renseignée sur la culture japonaise, notamment en me rendant à la Maison Franco Japonaise à Paris, dans le 15e arrondissement. Pour l'anecdote, il se trouve que mes deux jeunes fils sont fans du jeu de cartes Yu-Gi-Oh, et que l'aîné a remporté le championnat de France et s'est rendu au Japon pour une compétition, ce qui m'a aidé à me familiariser avec la culture, que je découvre très riche.

"Nos clients s'inscrivent dans des relations sur la durée avec nous [...] Avant, les sujets environnementaux étaient anecdotiques, aujourd'hui ils sont au coeur de la relation commerciale" (Karine Garcini, Fujitsu France)

Les liens culturels entre la France et le Japon sont forts et mettent en avant beaucoup de points communs. Fujitsu a d'ailleurs développé un partenariat avec l'École Polytechnique, et nous recevons régulièrement des étudiants japonais, et inversement. Du point de vue professionnel, les relations commerciales au Japon s'inscrivent sur le long terme, et dans une logique partenariale plus que purement business.

Comment avez-vous vécu, avec vos équipes, la période de la crise Covid ?

Globalement, je pense que cette crise a changé le rapport au travail et a bousculé les questionnements sur le ratio entre vie professionnelle et vie personnelle. Certains ont changé de vie. Cependant, comme souvent, les organisations au sein des entreprises évoluent plus lentement que ne surviennent les phénomènes de société. Il me semble que les managers n'ont pas suffisamment été préparés aux changements auxquels ils ont - et font - face. Si ce n'était pas déjà fait avant, il a fallu pour bon nombre d'entre eux repenser leur relation à la valeur travail, qui ne se résume résolument plus à un simple rapport salarial.

Personnellement, au moment de la crise sanitaire, j'étais encore en poste chez Microsoft, dont les locaux sont restés fermés pendant deux ans. La situation était très disparate au sein de mes équipes : certains jeunes étaient confinés dans des studios, d'autres avaient la garde et les devoirs scolaires des enfants à assurer à domicile... Le travail 100 % remote n'a pas été si simple à mettre en place, même si nous avions les solutions technologiques.

Selon vous, comment évolue la fonction commerciale ?

De plus en plus, les relations commerciales migrent vers des relations partenariales. Un client ne choisit plus un fournisseur pour sa seule offre ou pour un duo solution/prix. D'autres critères très importants entrent désormais en ligne de compte et prennent de plus en plus d'envergure au sein de la relation commerciale. Les valeurs de l'entreprise, sa capacité d'innovation, la prise en compte du développement durable, la sobriété énergétique ou encore la souveraineté numérique : ces aspects deviennent de véritables arguments de vente.

C'est d'autant plus visible chez Fujitsu, car nos clients s'inscrivent dans des relations sur la durée avec nous, de plusieurs années. Que ce soit en BtoB ou BtoBtoC, tous mes interlocuteurs pensent et souhaitent discuter durabilité. Au-delà des solutions que nous leur fournissons (cloud, infrastructures, cybersécurité, stockage, devices..., ndlr) nous abordons systématiquement en rendez-vous client les sujets de green IT, de recyclage des matériaux et des pièces, de calcul d'empreinte carbone... Ils sont demandeurs de conseils en la matière. Avant, ces sujets environnementaux étaient anecdotiques, aujourd'hui, ils sont au coeur de la relation commerciale.

 
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