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[Interview] Manager dans la complexité

Publié par Aude David le - mis à jour à
[Interview] Manager dans la complexité

Manager, ce n'est pas seulement prendre une série de décisions importantes. Pour Dominique Genelot, auteur de "Manager dans la complexité", il est important que les cadres dirigeants prennent du recul sur leur action afin de mieux appréhender leur environnement.

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En quoi les managers ont-ils intérêt à prendre en compte le concept de la complexité ?

Parfois, les managers font beaucoup d'erreurs évitables parce qu'ils ne prennent pas le temps d'analyser correctement leur environnement. Or, dans un univers complexe, il est indispensable de prendre du recul pour comprendre ce qui nous entoure. La complexité, c'est tout ce qui échappe à notre perception et à nos capacités cognitives. Elle ne caractérise pas les objets ou les situations " en soi ", mais la difficulté que nous avons à les comprendre. Les représentations du monde que nous construisons dans nos têtes, et cela vaut pour les entreprises, ne sont pas la réalité telle qu'elle est, mais seulement le point de vue que nous avons sur cette réalité. L'important est de prendre conscience de ce mécanisme de modélisation qui construit notre vision de la réalité. Il faut sortir de l'idée qu'il y a une représentation juste de la réalité, et accepter qu'il existe une infinité de représentations subjectives, et que chacun a droit aux siennes.

Comment peut-on appliquer cette modélisation à des pratiques commerciales ?

Dans les relations que l'on a avec les clients, il est important de ne pas confondre nos représentations avec la réalité : ce que l'on pense du client et ses attentes est une représentation, pas son besoin réel. Il ne faut pas chercher à plaquer cette visions sur le client mais l'écouter véritablement, pour ensuite faire évoluer l'offre.

Donc il faut mettre en place un processus où on peut échanger sur l'idée qu'on se fait d'un client, argumenter sur sa représentation et accorder la même possibilité aux autres. Cela peut se faire à travers des réunions, des réseaux sociaux internes, pour se construire une représentation partagée.

Dans un univers complexe, les projets doivent être animés par leur finalité, c'est-à-dire leur raison d'être, mais il faut que la finalité poursuivie par chaque acteur soit bien comprise par les autres. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises parlent de processus orienté client, mais ce n'est pas toujours vrai. Dans la téléphonie par exemple, le client n'est pas assez pris en compte : quand on a un problème et qu'on veut appeler la plateforme, c'est dramatique. Il y a des barrières difficiles à passer avec une succession de menus, c'est long, et les conseillers sont parfois impuissants à répondre. La raison, c'est que le système informatique prédomine sur les attentes du client : comme l'organisation informatique est conçue de manière très cloisonnée, les techniciens, les commerciaux et les clients interagissent de manière très limitée, et personne n'a l'information.

En quoi le management en univers complexe peut-il améliorer la gestion des forces de vente ?

Pour s'adapter à un monde complexe, évolutif, il y a beaucoup à tirer du management situationnel, où l'on adapte son style de management au contexte et à la personnalité des collaborateurs. Cela permet d'ajuster son mode de management, et surtout de sortir de l'idée qu'il y a un bon modèle de management : on ne peut pas appliquer des recettes prédéfinies en fonction des situations, il faut vraiment construire son management au fil des événements.

Vous prenez vos distances avec la pensée analytique. Est-ce qu'il faut jeter tous les outils de mesure de performance ?

Non ! Je ne rejette pas la rationalité analytique, mais je dis qu'en même temps il faut aussi garder une approche constructiviste à l'esprit. Nous avons besoin de recul par rapport aux outils. Ils sont faits par des personnes de bonne volonté, et sont indispensables, mais il faut être conscient qu'un tableur Excel induit un mode de pensée très limité, qui ne laisse pas de place à l'intuition. Avec les CRM par exemple, on ne prend généralement pas le temps de questionner les utilisateurs pour les paramétrer. Or, le CRM peut conditionner la décision. La soumission à une règle peut devenir absurde. Quand je commençais ma carrière à IBM, mon responsable m'était tombé dessus parce que mon compte-rendu n'indiquait pas assez de visites. Donc par la suite je déclarais le nombre de visites correspondant à la norme, alors que j'en faisais moins. Cela me permettait de faire des visites plus qualifiées, et donc au final de vendre plus que si j'avais fait le nombre de visites prévues. Résultat : je réalisais 317% de mes objectifs. Il ne faut pas déléguer son intelligence à un CRM, ou à n'importe quel outil.


La nouvelle édition de "Manager dans (et avec) la complexité" revient sur la notion de système complexe, que l'auteur, Dominique Genelot, différencie du compliqué. La complexité se caractérise par ce qu'on ne peut pas l'appréhender dans son intégralité : elle est mouvante et ne rentre pas dans un cadre prédéfini. En découlent des conceptions qui révolutionnent le management, l'organisation et la stratégie.

"Manager dans (et avec) la complexité", Dominique Genelot, éditions Eyrolles, 405 pages, 37 euros.

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