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[Tribune] L'évolution managériale en période de Covid-19

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[Tribune] L'évolution managériale en période de Covid-19

Hervé Aulner est directeur commercial chez le groupe La Poste. Il explique comment la crise du Covid-19 a impacté les services de l'entreprise et comment le management a dû évoluer.

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Au-delà des services de secours et de santé, qui réalisent un travail extraordinaire avec une mobilisation que l'on peut vraiment qualifier d'héroïque, les postières et postiers sont, comme d'autres professions (alimentaire, pharmacies, routiers, etc.), des acteurs essentiels au maintien de notre système de vie.

Le président de la République, dans son allocution, a employé à plusieurs reprises le mot "guerre". Si on fait une analogie, on peut dire que l'ensemble des acteurs qui maintiennent en vie notre système et/ou qui se battent pour sauver des vies sont les soldats de la première ligne. Ils sont sur le front !

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, et ministre de tutelle du Groupe La Poste, était l'invité de Léa Salamé sur France Inter. Il a fait la déclaration suivante en parlant des postières et des postiers :

"Je rappelle que les postiers ne font pas que distribuer les lettres et les colis, ils apportent aussi des plateaux-repas à des personnes qui sont isolées dans des villages ou dans des communes qui sont reculés, on a besoin d'eux. Je rappelle que c'est dans les bureaux de Poste que vont être distribués les prestations sociales début avril. Il y a des millions de Français qui vont aller chercher leurs prestations sociales dans le bureau de Poste, à la Banque Postale."

Nous sommes en rupture avec le modèle conventionnel, ce qui oblige beaucoup d'entre nous à "sortir de notre zone de confort" !

La difficulté majeure est que, pour une majorité d'entreprises, des plans de continuité de l'activité (PCA) étaient construits pour anticiper plusieurs scénarios de "gestion de crise", plusieurs niveaux réfléchis et opérationnels de mode de fonctionnement. Mais l'humain, l'aspect anxiogène, le mental nécessaire dans cette situation, les nouvelles distances sociales à mettre en oeuvre... ne pouvaient être vraiment préparés. Car cela nécessite des entrainements et du travail régulier et durable, à l'image des personnes du RAID ou de la BRI.

La problématique majeure est bien humaine. Cette crise nous montre encore plus l'importance de la "prise en compte" ! Cet "input" rend juste incontournable la prise en compte, l'acceptation et l'accompagnement sur les émotions, les ressentis qui sont légitimes chez chacun de nous !

Si je reprends la Pyramide de l'efficience adaptée à cette situation :


Les basiques

Notre PCA, gradué et anticipé, fonctionne. Il est efficace et opérationnel pour assurer le coeur de nos missions ; car nous parlons bien du coeur de nos missions et non de toute l'offre que nous proposons habituellement.

Comme dans beaucoup d'entreprises, les équipiers de siège ou autre sont en télétravail, ce qui permet d'assurer une continuité "dégradée" en "bloquant" le risque de contamination professionnelle. Par contre, les "équipes de terrain" en bureaux de postes, qui ne peuvent pas télétravailler, sont organisées en mode "dégradé" sur un nombre très limité de bureaux ouverts, avec des rotations en journée de travail permettant de limiter les risques et d'avoir des temps de "repos".

Cela permet aussi de limiter au maximum le nombre de personnes hors de leur domicile et le nombre de personnes en simultané sur site. De plus, ils proposent uniquement les besoins essentiels à la vie de notre système.

Les conseillers aussi sont présents mais uniquement en rendez-vous à distance pour gérer avec leurs clients les besoins essentiels, mais aussi les rassurer, les accompagner dans leurs démarches.

Au niveau de la direction, nous suivons et échangeons plusieurs fois par jour sur les problématiques pour être en mode très agile afin d'être au plus proche des besoins vitaux et de la protection de nos équipiers... Exercice complexe et nécessaire, nous ne parlons plus business mais missions et protection ! Nous sommes passés d'un modèle de business et bienveillance à un modèle de mission et sécurité !

La performance

L'engagement des équipes OUI mais avec engagement minimum par rotation et sur un nombre de bureaux restreint pour une couverture territoriale permettant un équilibre entre la protection des équipiers et nos missions. Le management de proximité reste présent en continu car, au-delà de l'exemplarité, cela contribue à "rassurer" les équipiers.

Dans ce contexte, les équipes opérationnelles ont plus que jamais besoin de soutien. Alors, au-delà de la proximité des managers d'équipes, les membres des équipes "transversales" appellent au minimum une fois par semaine les managers opérationnels avec trois objectifs :

- prendre des nouvelles en mettant de l'humain et de l'empathie ;

- gérer à distance des actes administratifs qui sont normalement gérés par le manager de proximité ;

- prendre en compte les actions possibles d'aide à distance (informations, formations, accompagnements...), ce qui engendre également beaucoup moins d' e-mails et plus d'humain.

L'émotion

Comme sur les autres approches via la pyramide, les éléments ci-dessous ne seraient rien sans les autres, cela serait la cerise sans le gâteau. La transparence des informations est essentielle à la confiance donnée.

Il est, plus que jamais, important d'être en interaction avec les équipiers dans une posture de management des rôles plutôt que des personnes (si ce n'était pas la posture habituelle). Les interactions doivent être de pairs à pairs et surtout pas de "chef" à "collaborateur". Si on se base sur l'analyse transitionnelle, les interactions doivent être d'adulte à adulte avec une véritable écoute des émotions, des ressentis pour prendre en compte et accompagner.

Cela va sans dire mais en le disant c'est mieux : nous, managers, nous devons avoir la maîtrise de nos émotions afin d'être le plus rassurant possible et montrer que malgré la situation, les risques, nous sommes capables, ensemble, de "faire face" en se projetant sur la sortie de crise.

Par exemple, bien que je ne sois pas un "manager opérationnel des équipiers", je me dois aussi de trouver le juste équilibre entre sécurité et mission, entre télétravail et présence... et c'est pour cela que je vais sur un nombre réduit de bureaux (quatre par semaine), les lundis et jeudis, pour créer de l'espace-temps afin de limiter les risques d'être un "contaminant".

Cependant, j'y vais, pour montrer notre présence, pour réellement et sincèrement féliciter les équipes pour leurs missions et échanger avec eux pour contribuer à les rassurer, les encourager, rappeler les consignes des "gestes barrières" et aussi avec un peu d'humour pour détendre l'atmosphère... Car oui, en cette période, quelques moments de légèreté et d'humour sont et restent plus que jamais essentiels.

Je reste en contact à distance avec mon équipe par e-mail, visio ou audioconférence, et la mission essentielle de mon équipe est "comment aider les équipes opérationnelles à distance ?"

Bref, le quotidien a changé entre management à distance de l'équipe (difficile pour moi qui aime le contact), audio régulière de "crise" du CODIR, pilotage du soutien plus que des résultats, présence raisonnée sur le terrain... mais je visualise les retrouvailles et je projette à mon équipe les futurs bons moments que nous allons revivre avec peut-être plus d'intensité !

Pour conclure, en cette période, je suis fier d'être postier car La Poste répond à ses missions de service public en ayant une grande attention et une grande bienveillance pour ses équipiers avec des mesures concrètes et humaines. Je suis également fier des postières et postiers, avec une pensée particulière pour nos chargé(e)s de clientèle, qui restent mobilisés sur le terrain au contact des personnes, malgré un sentiment anxiogène légitime.

En tant que pompier volontaire et chef d'une unité opérationnelle, j'ai le même paradigme : "trouver et mettre en ouvre le meilleur équilibre possible entre missions et sécurité".

Pour finir, je citerai Rudyard Kipling : "la force du loup est dans la meute". Alors restons en meute (à distance), soyons plus que jamais solidaires et essayons de construire pour demain en gardant en mémoire cette expérience vécue !

 
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