Le commercial ? "Un professionnel de l'influence"
Spécialiste des questions d'influence dans le monde économique, Ludovic François, professeur affilié à HEC, nous explique à l'occasion de la sortie de son dernier livre, "Influentia la référence des Stratégies d'influence", en quoi les commerciaux sont des managers influents.
Je m'abonneQu'est-ce que l'influence ?
La notion d'influence est très complexe. Initialement, Influentia, en latin, désigne une action attribuée aux astres sur la destinée des hommes. Il s'agit alors d'une sorte d'énergie mystérieuse s'écoulant du ciel pour orienter le comportement. Plus tard, Robert Dahl, professeur émérite de sciences politiques à l'Université Yale, matérialise l'influence lorsque "les desiderata ou les intentions de l'un agissent sur les actions de l'autre". Pour lui il s'agit d'un processus intentionnel visant à modifier l'attitude. Cependant, l'influence peut aussi être involontaire. Par exemple, le footballeur dont la coupe de cheveux va être imitée par des milliers de jeunes gens n'a probablement pas pour objectif de lancer une mode. Dans notre ouvrage "Influentia La référence des stratégies d'influence", nous nous intéressons aux stratégies d'influence, c'est à dire à l'instrumentalisation de ces phénomènes pour orienter de manière invisible les perceptions et in fine les actions d'individus ou de groupes sociaux. Concrètement, lorsque James Bond porte une montre Omega, boit du champagne Bollinger et roule en Aston Martin, les marketeurs orientent les comportements d'achat en faisant appel à des phénomènes psychologiques bien connus.
Les managers commerciaux ont-ils des caractéristiques de personne influente ?
Un commercial est un professionnel de l'influence. Son métier réside à "fabriquer" du consentement. Il doit injecter de l'information au bon endroit pour orienter les perceptions et au final emporter la décision. Susciter l'adhésion pour vendre, c'est d'abord maitriser les relations entre les acteurs, en particulier dans les appels d'offre où les motivations d'achat sont parfois contradictoires en interne. Trop souvent, l'image d'Epinal du commercial est celle d'une personnalité dotée d'un bagout hors du commun. Aujourd'hui, un bon commercial est quelqu'un qui va savoir se mouvoir dans un environnement complexe, comprendre les enjeux de pouvoir dans les organisations et mener les actions d'influence pertinentes. Pour cela, en amont une analyse fine de la situation est indispensable. Nous pourrions donc comparer le métier de vendeur à celui de lobbyiste. Les enjeux sont les mêmes, avec un travail sur la décision et le consentement.
Est-ce forcément négatif d'être sous influence ?
"Nous sommes tous sous l'influence de quelqu'un"
Non pas forcément. Nous sommes tous sous l'influence de quelqu'un. Moi-même, j'ai été influencé par de grands auteurs, des collègues, des amis, ma famille, etc. Ce qui est négatif, c'est d'être manipulé et donc de perdre son libre arbitre. La question centrale est celle de la liberté de choix. Lorsque, insidieusement, on oriente vos perceptions pour obtenir votre consentement, c'est négatif. Quelle différence entre convaincre et manipuler ? Parfois, la frontière est ténue. Les méthodes de vente restent des techniques d'influence. On est à la limite de la manipulation. On apprend à orienter le client dans un sens souhaité. Elles représentent donc un outil d'influence.
Professeur affilié à HEC Paris, docteur en sciences de gestion et habilité à diriger des recherches à la Sorbonne, Ludovic François est aussi diplômé du master HEC management des risques internationaux.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Contre-pouvoirs, de la société d'autorité à la démocratie d'influence" avec François-Bernard Huyghe (Ellipses, 2009).
Depuis plusieurs années, il conseille des dirigeants de grands groupes et d'ETI sur les questions de réputation et de communication d'influence.
(Découvrez en page 2 la suite de l'interview)
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