Tribune | Mieux vendre en maîtrisant la donnée psychographique
Un marché cible est souvent déterminé par quelques variables démographiques (taille de l'entreprise, secteur d'activité, lieu géographique, etc.) Cette segmentation est insuffisante pour comprendre les motivations profondes de l'acte d'achat. C'est là qu'intervient la notion de donnée psychographique, qui recouvre l'ensemble des valeurs, croyances, intérêts, modes de vie, habitudes de consommation et aspirations d'un individu ou d'une entreprise. Entrons dans le détail.

La donnée psychographique est cruciale dans la définition d'un persona, car elle permet d'aller bien au-delà des simples caractéristiques démographiques (âge, profession, localisation). En effet, ce type de donnée offre un éclairage précis sur pourquoi une personne agit comme elle le fait : ses motivations profondes, ses peurs réelles, ses valeurs et ses émotions dominantes.
Comme le rappelle Adele Revella dans Buyer Personas (Wiley, 2015), la compréhension fine de ces aspects psychologiques est essentielle pour élaborer un message qui atteigne sa cible. Se contenter des données démographiques, c'est passer à côté de l'essentiel : le déclencheur émotionnel qui pousse à l'achat. La décision finale relève toujours davantage de l'émotion que du rationnel. La donnée psychographique permet précisément de connecter une offre aux besoins émotionnels du persona, ce qui rendra le message pertinent mais aussi engageant. Il est donc essentiel de :
- Prendre en compte les émotions : Selon l'étude d'Antonio Damasio (Descartes' Error, Penguin, 1994), la prise de décision est intimement liée à la sphère émotionnelle. Les données psychographiques permettent de cerner ces émotions clés et de comprendre comment elles influencent le comportement.
- Aller au-delà du « qui » pour s'intéresser au « pourquoi » : Savoir qu'une entreprise compte 50 salariés (démographique) ne révèle pas pourquoi elle voudrait investir dans votre solution ni quels éléments de son histoire, de sa culture ou de ses valeurs la pousseront à acheter.
- Adapter finement votre message : En ciblant les préoccupations psychologiques et émotionnelles, vous construisez un discours marketing et commercial qui parle réellement au prospect. C'est ce que souligne Adele Revella dans Buyer Personas (Wiley, 2015) : connaître les motivations, les freins et les habitudes de pensée de sa cible est essentiel pour formuler un message qui résonne.
De quoi se compose-t-elle ?
Style de vie : Par exemple, une entreprise qui promeut une culture de la flexibilité et du télétravail n'aura pas les mêmes besoins ni le même rapport à l'innovation qu'une entreprise très hiérarchisée.
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Personnalité : Certaines organisations ou dirigeants sont plus pragmatiques, d'autres plus visionnaires ou traditionnels. Cette "personnalité" collective influence fortement les décisions d'achat.
Valeurs et croyances : Une entreprise éco responsable ne sera pas sensible aux mêmes arguments qu'une entreprise focalisée sur la croissance rapide à tout prix.
Priorités, craintes et frustrations : Peur de perdre du temps, de se tromper de stratégie, de manquer de ressources financières... Les données psychographiques offrent un éclairage autant sur les éléments qui poussent à l'acte d'achat que ceux qui les freinent.
Où aller chercher la donnée ?
L'idée de la donnée psychographique n'est pas de poser des questions trop directes à votre cible. Il s'agit d'imaginer son persona, et de lui parler, comme à un ami imaginaire, en faisant le tour des questions en lien avec votre offre, mais aussi périphériques. Par exemple, me concernant, dans le domaine de la formation, je vais m'attarder à lui demander comment il vit son équilibre vie privée/vie professionnelle par rapport à son objectif d'augmenter son chiffre d'affaires. De même, il est possible d'explorer ses frustrations, comme celle d'avoir suivi par le passé des formations médiocres ou inefficaces.
L'exercice consiste à orienter les « antennes » de votre cerveau vers des détails, des mots, des comportements sur lesquels on peut s'attarder devant sa feuille blanche. Cela vous permettra de mieux détecter des signaux faibles d'interlocuteurs "en face à face". Cette étude sur le persona vous donne les ressources pour vous connecter avec votre cible idéale, et bien réelle.
Grâce à ce scénario psychographique, je peux ainsi échanger avec un prospect en faisant preuve d'empathie : « Oui, et j'imagine que vous ressentez ou vivez telle ou telle situation... c'est bien ça ? » déclenchant ainsi dans son esprit une reconnaissance immédiate, dans une recherche sincère de connexion.
Ensuite, d'autres sources d'informations plus tangibles viennent compléter ce premier scénario :
- Interviews et enquêtes qualitatives : Aller à la rencontre des clients ou prospects pour comprendre leurs motivations, leurs freins et leurs aspirations profondes.
- Observation et veille : Étudier leurs publications (articles, posts sur les réseaux professionnels, prises de parole publiques), leur positionnement sur des sujets sociétaux.
- Analyse de feedback : Les retours clients (plaintes, avis, suggestions) révèlent souvent les enjeux réels qu'ils rencontrent, au-delà des simples données de surface.
Une fois ces informations réunies, intégrez-les dans votre pitch et vos supports de communication. Ainsi, vous ne vous contentez plus de décrire votre offre ; vous démontrez en quoi elle correspond à l'état d'esprit, aux aspirations et aux valeurs de votre interlocuteur.
Guillermo Di Bisotto est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Questions pour un champion de La vente, et de C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections, publiés aux éditions Eyrolles (2023).
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