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"Les stratégies d'entreprise sont rarement win-win"

Publié par Laure Trehorel le - mis à jour à
Luca Desiata, directeur France et Belgique d'Enel.
Luca Desiata, directeur France et Belgique d'Enel.

En publiant son ouvrage "Échecs et stratégie d'entreprise", Luca Desiata, directeur France et Belgique d'Enel, fournisseur d'électricité italien, dresse d'intéressants parallèles entre le manager et le joueur d'échecs, depuis la négociation jusqu'à la prise de décision.

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Action Co: Comment en êtes-vous venu à rapprocher jeu d'échec et stratégie?

Luca Desiata: J'ai moi-même été joueur d'échecs jusqu'à mes 18 ans. Ensuite, je suis devenu consultant puis manager. Alors que j'étais responsable de la stratégie internationale d'Enel, fournisseur d'électricité historique en Italie, j'ai eu l'idée de développer des parallèles entre les échecs et la stratégie d'entreprise. Très souvent, l'analogie se contente d'être visuelle: les ouvrages ou articles sur le sujet des stratégies d'entreprise utilisent souvent l'image d'un échiquier. Mais il me semblait que le rapprochement pouvait être plus profond.

C'est pourquoi j'ai travaillé et écrit sur ces parallèles. D'autant que le modèle de pensée est similaire. Cependant, dans le cadre du jeu d'échecs, les conditions sont limitées, connues et définies, contrairement au monde de l'entreprise, où tout est en mouvement et les informations incomplètes. En cela, on peut dire que les échecs servent de laboratoire idéal pour observer comment les décisions s'arrêtent.

Dans les deux cas, il s'agit de prendre un temps de réflexion face à une situation donnée pour se fixer des objectifs stratégiques. Avant de jouer son coup, le joueur d'échecs va explorer différents schémas logiques de pensée, tout comme le manager.


Aux échecs, il y a un gagnant et un perdant. En entreprise, on entend parler d'accord win-win ou de stratégie d'alliance. Est-ce la limite de la comparaison?

L. D.: On peut rapprocher la stratégie commerciale d'une stratégie de guerre, et donc d'une stratégie de jeu d'échecs.

On entend en effet souvent parler d'approche "win-win", comme si le monde de l'entreprise était un milieu très élégant... Sur la forme, sans doute. Néanmoins, il ne faut pas se mentir, dans la plupart des cas, il s'agit bien d'une guerre que se livrent les managers de deux entreprises concurrentes! Tout comme aux échecs, à la fin du jeu, il y a un gagnant et un perdant. Dans les années soixante-dix/quatre vingt, les théoriciens des stratégies commerciales ont commencé à s'inspirer des stratégies militaires, développant plusieurs concepts: stratégie d'attaque frontale, défensive, d'embuscade, etc.

"On parle souvent d'approche "win-win". Mais, dans le monde de l'entreprise, il y a un gagnant et un perdant."

Par ailleurs, il existe aussi un parallèle à faire avec la négociation. Aux échecs comme dans l'entreprise, il existe l'avantage du premier coup. Prendre la main, ou démarrer la négociation, peut constituer un avantage. De même, l'application de la stratégie "min-max" est applicable aux deux disciplines, c'est-à-dire négocier dans une logique de minimisation du profit de l'adversaire plutôt que de maximisation de son propre avantage (stratégie max-max). Dans ma vie professionnelle, lorsque je conduis des négociations complexes, une stratégie min-max s'avère la plus efficace. Car le risque de mener une stratégie max-max est de casser complètement la négociation. C'est pourquoi les stratégies commerciales sont rarement de type attaque frontale.


Comment les émotions impactent-elles joueurs et managers?

L. D.: En entreprise tout comme face à l'échiquier, le rôle des émotions est primordial car elles constituent un outil de décision à part entière. Mais il ne s'agit pas de les gérer ou de vouloir les contrôler. La question est d'avoir conscience que, in fine, ce sont bien elles qui nous guident dans nos choix.

Par exemple, aux échecs, l'ouverture au pion dame ou roi en début de partie offre statistiquement la même possibilité de gagner ou de perdre. Mais chaque joueur, au-delà de la logique et du calcul, joue selon ses préférences, son plaisir, ses émotions. De la même manière, le manager, après avoir réalisé des analyses et des audits pour prendre une décision, va se retrouver ainsi avec deux ou trois options équivalentes. Ce dernier va donc faire jouer son feeling pour prendre sa décision finale.

>> Lire la suite de l'article en page 2

Luca Desiata en trois dates

1998: consultant chez Bain & Co.

2006: reçoit le titre honorifique de Cavaliere de Carlo Azeglio Ciampi, alors président de la République italienne.

2015: directeur France et Belgique d'Enel.

 
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