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Pourquoi Internet ne tuera pas le point de vente

Publié par Aude David le - mis à jour à
Pourquoi Internet ne tuera pas le point de vente

Si les grandes surfaces sont encore loin d'avoir disparu, la grande distribution affronte en ce moment de nombreuses difficultés. Pourtant, nombreux sont ceux qui prédisent un avenir plein d'opportunités au point de vente, à condition de savoir mettre en place une stratégie phygitale.

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Il y a trois semaines, Monoprix annonçait un partenariat avec Amazon : dans le courant de l'année, l'offre du distributeur sera disponible sur Prime Now, le service de livraison à domicile des courses du quotidien du géant américain du e-commerce. La logistique d'Amazon sera connectée aux magasins Monoprix de région parisienne.

Jean-Marc Liduena, associé responsable consommation et distribution chez Deloitte.

Monoprix marque ainsi un pas décisif dans le paysage de la grande distribution française, et dans les efforts que déploient les acteurs majeurs pour assurer une convergence entre le point de vente physique et le commerce en ligne. "Dans ce domaine, la grande distribution française est encore à la traîne, et doit se réinventer rapidement", juge Jean-Marc Liduena, associé responsable consommation et distribution chez Deloitte. Selon l'expert, aujourd'hui, dans l'alimentaire, 10% des Français consomment dans le canal e-commerce, mais 50% souhaiteraient le faire davantage !

Pour améliorer leur attractivité sur le e-commerce, les distributeurs multiplient les initiatives : aux Etats-Unis, Wallmart teste le "direct to fridge", la livraison par ses équipes directement dans le réfrigérateur de ses clients, tout en tentant de conserver la valeur ajoutée de ses points de vente, par exemple avec le benchmark du ticket de caisse (en caisse, une application détecte si les mêmes produits sont disponibles moins chers autour du magasin, et la différence est remboursée aux clients).

En France aussi, la grande distribution cherche des solutions : Carrefour a lancé ce mois-ci le "drive piéton" en région parisienne, à Lyon et à St-Etienne : les clients peuvent récupérer leurs articles dans des points de retrait en plein centre-ville. Leclerc a quant à lui lancé la livraison sous 24 h depuis son site internet.

Mais il n'est pas toujours évident pour la grande distribution d'être très performante dans le numérique. "La courbe d'apprentissage est longue et onéreuse, juge Jean-Marc Liduena, cela demande de lourds investissements. La solution d'association de Monoprix et Amazon aide justement à maîtriser ces investissements, elle va leur permettre de s'améliorer sur le dernier kilomètre, très coûteux, et de bénéficier d'une avance sur les innovations, comme le v-commerce, le commerce par la voix. Et elle génère de nouveaux prospects".

Le magasin reste un point de contact essentiel

Ce qui importe, c'est l'orchestration entre différents points de contact

Les clients veulent ainsi avoir accès à différents canaux d'achat : magasin, site internet, application mobile, drive, point de retrait, livraison à domicile. Mais, "ce qui rendra l'entreprise attractive aux yeux des clients, ce n'est pas la proposition de multiples points de contact, mais l'orchestration entre eux pour rendre l'expérience client mémorable", juge Régine Vanheems, cofondatrice de l'Observatoire du commerce connecté. "Ce que veulent les clients, c'est de pouvoir passer d'un canal à un autre de façon indolore", confirme l'expert de Deloitte.

Et pour cela, les points de vente doivent être véritablement interconnectés, et le consommateur doit sentir qu'ils appartiennent tous au même écosystème. "L'idée, c'est que chaque canal fasse de la publicité pour l'autre", estime Cécile Morel, responsable commerciale de CityMeo, start-up spécialisée dans l'affichage dynamique en point de vente. Ainsi, quand le site internet permet de retrouver la liste des points de vente physique, à l'intérieur du magasin, il est judicieux de faire figurer des informations concernant son site internet et ses réseaux sociaux.

Les écrans sont notamment une solution employée par de nombreuses marques. Ils permettent notamment de relier le point de vente aux autres canaux : les informations institutionnelles, les vidéos sur le site, le flux des réseaux sociaux peuvent ainsi faire leur entrer en magasin. Pour autant, il ne s'agit pas d'implanter des écrans ou d'autres outils en masse, sans stratégie. "Une phygitalisation tout azimut, n'est pas non plus une bonne solution, affirme Régine Vanheems de l'Observatoire du commerce connecté. Il faut savoir ce que cela apporte au parcours d'achat et si le client utilise ces outils digitaux".

L'expérience devient indispensable

Le magasin n'a donc pas du tout dit son dernier mot. "Le consommateur a besoin de contact, notamment pour l'agroalimentaire, juge Jean-Marc Liduena. La grande surface répond à un besoin de proximité, une tendance lourde sur laquelle on ne peut faire l'impasse". Le point de vente physique, en grande distribution comme ailleurs, permet aussi "un retour à quelque chose de plus sain et local, il répond à un besoin de qualité plus évident à démontrer que sur Internet", juge l'expert de Deloitte. La grande surface doit donc se renouveler en gardant ses fondamentaux. "Le point de vente doit rester hyper physique", juge Valérie Besnard, responsable marketing de CityMeo.

Pour autant, cela ne suffit pas à valoriser le point de vente. Pour Régine Vanheems, "si le seul intérêt du magasin résidait dans les produits, tout le monde achèterait sur Internet. On y va pour vivre une expérience, se détendre, se réconforter : le point de vente répond à des motivations sensorielles, émotionnelles, sociales". Si a priori, cela concerne surtout les grandes surfaces spécialisées, l'expérience client est aussi amenée à se développer en GMS, à travers des démonstrations, des tests, de nouvelles expériences, et les nouvelles technologies, comme la réalité augmentée ou la réalité virtuelle, ont une vraie plus-value à apporter. "Ce n'est pas nouveau, mais cela devient un must-have en grande distribution", juge Jean-Marc Liduena de Deloitte.

La force de vente au coeur du phygital

Reste qu'au milieu de toutes ces transformations techniques, en magasin comme en ligne, le vendeur est plus que jamais au coeur du parcours de vente, même si son rôle se transforme. "Des recherches récentes montrent que quand des prospects vont dans un magasin, l'élément dont ils se souviennent le plus en sortant, c'est le vendeur, et les interactions qu'ils ont eus avec lui, explique la cofondatrice de l'Observatoire du commerce connecté. Or, c'est le souvenir de l'expérience vécue qui fera revenir". (A lire: Grande distribution : ce qu'elle attend de vos commerciaux)

Les outils doivent donc servir le discours de la force de vente. "Ils aident les vendeurs dans leur rôle de conseiller, en facilitant l'explication et la communication sur les produits et la marque, affirme Cécile Morel de CityMeo, pour qui ces outils sont également utiles à la formation de la force de vente : "Quand ils sont face aux clients, ils n'ont pas le temps de consulter les réseaux sociaux de l'entreprise et de se tenir au courant de ses activités, des outils simples comme des écrans interactifs peuvent donc les aider à se tenir au courant en temps réel". Chez Sephora, dont l'organisation omnicanale est souvent citée en exemple, la force de vente peut commander depuis le magasin via une application des produits en rupture de stock pour les faire livrer chez les clients : le passage d'un canal à l'autre est ainsi parfaitement fluide.

Mais cela demande de nouvelles compétences et une nouvelle posture que les entreprises doivent accompagner. "La situation est anxiogène pour les employés, qui peuvent avoir peur d'être remplacés par le numérique", explique Jean-Marc Liduena. Selon l'expert de Deloitte, les entreprises doivent insister sur trois axes : démontrer les bénéfices de la phygitalisation, avec des groupes pilotes qui servent d'exemple ; rassurer à travers des programmes d'explication répétés dans le temps ; former à de nouvelles façons de travailler. "Que ce soit avec des nouveaux talents ou de la reconversion, les entreprises ont besoin d'une mutation de la main d'oeuvre, qui passe par une acquisition de nouvelles compétences.

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