Réorganisation commerciale : une fausse bonne idée
Comment améliorer la performance commerciale ? Les premières réponses proposées sont souvent inadéquates : modifier la rémunération variable, choisir un nouvel outil CRM... L'une des plus mauvaises réponses est de changer l'organisation selon Romain Bégramian, expert en efficacité commerciale.
Je m'abonnePour retrouver la performance rapidement, les entreprises et les managers sont tentés de revoir leur organisation commerciale. Voici pourquoi ce n'est pas une bonne solution...
Tout d'abord en raison du coût et des risques
Les choix d'organisation peuvent être rapides. Leur mise en place, en revanche, prendra trois à douze mois, voire davantage. Pendant cette période, les équipes commerciales vont inévitablement " psychoter ". Une partie des meilleurs éléments risque de partir, soit parce que la nouvelle organisation ne rend pas justice à leur ambition, soit parce que, bien que talentueux, ils estiment qu'à tout prendre, le changement est tellement perturbateur qu'un passage à la concurrence offre davantage de visibilité.
N'oublions pas sur le marché des talents commerciaux, la demande excède l'offre
Un changement d'organisation, peut être l'occasion d'erreurs de casting sévères, à moins d'être précédé d'un dispositif RH très robuste pour identifier précisément les potentiels de chacun, anticiper et préparer soigneusement les évolutions nécessaires et les dispositifs d'accompagnement pendant la période de transition. Souvent, des managers intermédiaires moins méritants vont jouer de leur influence pour consolider leur position. En effet, le changement d'organisation est déjà un facteur de risque en soi, la direction sera donc tentée de mitiger les perturbations (démissions, baisse de motivation, bavardages, rumeurs, baisse d'intensité commerciale) en maintenant les équilibres de responsabilité.
Enfin, le transfert simultané de nombreux clients entre commerciaux est un processus que peu d'entreprises maîtrisent parfaitement. Typiquement, dans plus de la moitié des cas, ce transfert sera réalisé trop rapidement. Plus souvent encore, il ne sera pas utilisé comme une occasion rare de renouveler la relation commerciale.
La nouvelle organisation ne règle pas les problèmes de fond
Les moyens d'améliorer rapidement la performance commerciale sont ailleurs : ils résident dans les méthodes et les aspects les plus quotidiens de l'activité, par exemple : plus de rigueur dans la revue de compte, l'augmentation du temps réellement 'commercial' et du niveau d'activité, une exploitation du marketing plus efficiente, une mise à niveau de la prospection ou un niveau d'ambition " à la Facebook " (c'est-à-dire de viser une progression soutenue sans s'accommoder d'objectifs prudents) sont des moyens souvent bien plus efficaces d'obtenir des résultats visibles en moins de six mois.
Même s'il arrive néanmoins que la nouvelle organisation produise des résultats positifs, l'horizon de temps à partir duquel ces impacts sont nets est très lointain.
La nouvelle organisation peut aggraver les problèmes
Des principes d'organisation théoriquement vertueux peuvent générer des résultats contre-productifs. Regardons par exemples les régies publicitaires digitales ou pluri-média locales qui ont organisé leurs équipes par métier : il leur faudra plusieurs années pour reconquérir le terrain perdu en termes d'éloignement des clients. Sans compter que la soi-disant expertise métier acquise par cette modification n'est pas supérieure à celle d'autres régies qui ont eu recours à des moyens beaucoup plus simples.
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Enfin, il n'existe pas de principe universel d'organisation commerciale. Faut-il créer une équipe dédiée aux grands comptes ? Organiser les équipes commerciales par marché client ou par offre ? L'organisation commerciale doit-elle forcément refléter celle des clients ? Quels sont les rôles et les responsabilités du marketing, de l'ADV et des fonctions commerciales support ?
A ces questions, les réponses dépendent non seulement du secteur d'activité et de son cycle commercial propre, mais aussi de la maturité globale et du niveau de performance du moment. C'est bien pourquoi il n'est pas rare de voir des schémas d'organisation différents dans des entreprises concurrentes.
Conclusion : ne touchons à l'organisation commerciale qu'en dernier recours et en ayant créé les conditions pour que cette transformation réussisse.
L'auteur
Romain Bégramian dirige le département Performance et Transformation opérationnelle de FTI Consulting France et possède une expérience de plus de vingt ans dans le conseil en efficacité commerciale et marketing ainsi qu'en optimisation des coûts.
Il a notamment fondé en 2008 Greene6 Partners, un cabinet international de conseil spécialisé sur ces sujets.
Romain Bégramian a également travaillé pour A.T Kearney à Paris et à New York.