"Churn": passer à la vitesse supérieure grâce à l'approche prédictive
En permettant de prédire les risques d'attrition (churn), la data science est un outil marketing de premier ordre. Elle permet de prédire les comportements des utilisateurs, mesurer la relation client et mettre en place des actions de prévention, plus rentables que l'acquisition de nouveaux clients.
Je m'abonnePlacée au coeur des préoccupations des entreprises depuis plusieurs années, la problématique du churn est aujourd'hui plus complexe qu'avant. De nombreux facteurs rendent les clients plus volatiles: concurrence et consommateurs favorisés par l'environnement juridique (Loi Hamon sur la consommation), augmentation des canaux de vente, diversification des motivations d'achat, etc. Au sein des PME et grands comptes, l'usage classique est encore de remplacer les clients perdus par des nouveaux, de tenter de les récupérer, ou de prévenir l'attrition dès que celle-ci se révèle imminente.
Or l'acquisition et la récupération de clients mobilisent une nouvelle mécanique de prospection, que l'on sait particulièrement coûteuse en temps et en argent, quand on considère ce que celle-ci implique en termes de campagne et d'outils de conquête: envoi d'e-mails marketing, achat d'espaces, cadeaux d'accueil, salaires des commerciaux, commissions, primes, coût de l'accueil, campagnes sur les réseaux sociaux, etc.
Pourtant, les entreprises disposent aujourd'hui de données précieuses pour prédire le risque d'attrition. Le web communautaire et le digital ont grandement facilité la collecte d'informations concernant les usages et les parcours clients, notamment les données historiques, les interactions sur les réseaux sociaux, les applications digitales ou les historiques de recherches. Couplées aux données concurrentielles, ces informations sur les comportements des clients en ligne peuvent être utilisées pour élaborer un modèle de prédiction, et agir davantage en amont.
Définir les profils de clients "fragiles"
Certaines entreprises proposent systématiquement à leurs clients de souscrire à leurs services via un système d'enregistrement, tel qu'un abonnement, un programme de fidélité ou encore un parrainage. La détection de l'attrition est alors simplifiée: on parle de churn quand un client annule son abonnement, et la base de données clients permet ainsi d'identifier le "churner".
Dans le cas d'une entreprise ne pratiquant pas l'abonnement, cela se révèle plus délicat. En effet, l'objectif d'un modèle de prédiction sera de déterminer le moment exact où un client décide de ne plus avoir recours aux services d'une entreprise. Cela implique de surveiller le comportement du client afin de définir des profils types, de détecter les causes possibles du churn, et de l'éviter.
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La prédiction du churn peut faire évoluer la conduite des clients.
L'avantage d'un modèle prédictif est qu'il permet d'intégrer la totalité des données disponibles, et de dégager automatiquement les facteurs qui influencent le churn. La surveillance des commentaires, la fréquence des résiliations, la fréquence d'achats ou les nouveaux achats sont des exemples de données quantifiables et essentielles. Le modèle de prédiction s'appuie sur des outils issus du monde de la statistique, des mathématiques et du machine learning, afin de déterminer le schéma que suivent les comportements des clients et les paramètres de variation de celui-ci. Cette dernière variable est primordiale pour distinguer les clients les plus fidèles et rentables (les abonnés "premium", par exemple) des clients moins engagés, et de déterminer avec plus de précision le risque d'attrition.
Prévoir l'attrition: les différentes étapes
Ce n'est qu'à l'aide d'une modélisation précise que l'on peut définir les usages, et distinguer les clients fréquents des clients occasionnels ou des early adopters, ces deux derniers types de clients étant plus susceptibles de "churner". Grâce au machine learning et au modèle de prédiction réalisé, les données ainsi collectées peuvent permettre de dégager les schémas auxquels correspond chaque parcours client, et de définir les grandes tendances en matière d'utilisation d'un service.
Mais les entreprises doivent aussi s'intéresser au comportement général de leurs clients en ligne, notamment sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche: quelles sont leurs préférences, leurs centres d'intérêt? Quelle est leur opinion sur les programmes d'abonnement ou de fidélité appliqués par les concurrents, et que l'on peut détecter via les avis sur les moteurs de recherche? Quelles réticences expriment-ils sur les réseaux sociaux? Ou encore, des personnes appartenant à leur réseau expriment-elles des avis négatifs sur la marque ou ses services?
Toutes ces données permettront de calculer avec plus de précision le risque de churn, de l'intégrer au modèle de prédiction, et de mettre en place des actions ciblées. Il faudra cependant prévoir un délai d'action suffisant pour prendre les mesures nécessaires à temps, selon que l'attrition est volontaire ou liée à d'autres raisons, et estimer la possibilité de récupérer un client sur le départ.
Réduire le churn: combiner court et long terme
Mettre en place des actions anti-churn revient à considérer à la fois les actions à court terme et les mesures à long terme.
Parmi les actions à court terme, on peut citer les appels téléphoniques, les campagnes d'e-mailing, les notifications, les jeux-concours, les coupons de réduction, etc. On peut également mettre en place un sondage à la fin du parcours client, pour déceler les raisons possibles à un éventuel départ, ou recueillir les doléances et suggestions d'amélioration des clients. Il peut ensuite être intéressant d'adapter l'offre en fonction des réponses à l'enquête, ou de proposer, si possible, des solutions aux problèmes évoqués.
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Il est essentiel de s'interroger sur l'adéquation entre l'offre et la clientèle.
Les actions à long terme comprennent l'amélioration du parcours client: un parcours d'achat trop long ou trop fastidieux, nécessitant plusieurs clics ou demandant trop d'efforts à l'internaute, peut décourager et conduire à l'attrition. En fonction des données collectées, on peut simplifier le parcours et ainsi améliorer l'expérience. Il est également essentiel de s'interroger régulièrement sur l'adéquation entre l'offre et la clientèle. On évitera ainsi les souscriptions "par accident", en précisant l'offre et les termes de l'abonnement.
Enfin, les entreprises gagneront à établir un process d'action en plusieurs étapes: le cadrage du modèle à partir d'un ensemble de données, la modélisation, la phase test du modèle d'action. On pourra ensuite optimiser l'approche en fonction des résultats et des prédictions suivantes, puisque, inscrite dans la durée, la prédiction du churn peut aussi faire évoluer le comportement des clients. Ainsi, cette prédiction sera à même de faire ressortir de nouveaux motifs de churn sur lesquels l'entreprise pourra agir.
Pour aller au-delà de l'anticipation du churn et du renforcement de la relation client, les entreprises disposent, via la data science, d'un nouvel arsenal: la modélisation des actions et la mesure de l'intensité de la relation client. Plus réactive, plus à même d'analyser et d'interpréter les données, l'entreprise est davantage en mesure de satisfaire ses clients, de prévenir leur départ, et bien entendu le ROI s'en ressent rapidement, en termes d'acquisition comme de fidélisation.
Thomas Cabrol est co-fondateur et chief data scientist de Dataiku. Il a passé la majeure partie de sa carrière à travailler sur de larges jeux de données à l'aide des dernières innovations technologiques. Ancien consultant en data-mining auprès de grands groupes spécialisés dans le commerce et les télécommunications, il a piloté les projets liés au data-mining chez Apple Europe, dirigé la data team d'Iscool Entertainment, et contribué au développement de la banque de données de Qunb. Aujourd'hui, Thomas Cabrol et son équipe mettent en place la solution Dataiku DSS (Data Science Studio), plateforme logicielle d'analyse prédictive tout-en-un destinée à la création d'applications liées à la science des données.