De directeur commercial à directeur général : 4 anciens CCO témoignent
Parfois moins valorisée que d'autres, la carrière commerciale permet pourtant d'accéder aux plus hautes responsabilités. Lors d'un événement organisé par les DCF, quatre anciens directeurs commerciaux ont témoigné de leur parcours qui leur a permis d'obtenir un poste de direction générale.
Je m'abonneDe directeurs commerciaux, ils sont devenus directeurs généraux, dans la même entreprise ou dans une autre. Lors du C-Day, organisé par l'association des Dirigeants Commerciaux de France, la plupart des intervenants ont expliqué qu'ils ne voulaient pas être DG. Ils aiment le commerce et c'est l'envie de nouveaux challenges, voire un simple concours de circonstances qui les a menés à la direction générale.
Gérald Jasmin, directeur général d'Adecco, a gravi les échelons depuis un poste d'employé en magasin de jouet jusqu'à atteindre, chez Adecco, son objectif : directeur commercial. La DG n'était pas dans ses plans. Christophe Cance, directeur général de Puma France, considérait en tant que directeur commercial « exercer le plus beau métier du monde ». C'est le Covid qui freine son ambition de prendre la direction commerciale d'une grande région et l'amène à devenir directeur général de Puma France en 2021.
Florence Loupe, elle, a accepté une offre de directrice générale à DIOT-SACI quand son poste de directrice commerciale d'Axa a commencé à ressembler à un enchaînement de « journées de comité : d'administration, de surveillance... J'en ai eu marre, cela ne me ressourçait plus », avoue-t-elle. Seul Michel De Siqueira, directeur général de Calligaris, explique que, alors directeur marketing de Miele France, il voulait devenir directeur général, ce pour quoi on lui a conseillé d'avoir une expérience de directeur commercial sur le terrain.
Des compétences précieuses en DG
Venir de la direction commerciale permet de connaître parfaitement le département des ventes, stratégique, et surtout les clients. Pour Gérald Jasmin, un CRO possède le sens de l'équipe. « Mais surtout, en comité exécutif, c'est le seul qui apporte la voix de la concurrence, ce que font les autres. Les membres du ComEx sont souvent très sûrs d'eux. Là, on leur donne une autre vision, qui reste précieuse une fois directeur général", explique-t-il Cela donne aussi une certaine humilité : « en tant que commercial, parfois on gagne, parfois on perd, on sait que l'échec est possible », souligne-t-il.
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Christophe Cance voit le directeur commercial comme à la croisée des chemins. "Il travaille avec l'offre produit, le marketing, le back-office, la finance, il a sa place au CoDir, il connaît le marché et la distribution. Il a une vraie valeur ajoutée », défend-il. Florence Loupe estime qu'un directeur commercial doit avoir un rôle à la fois « de leader, d'assembleur et de visionnaire », tout comme un directeur général : « les deux doivent pousser les gens à se faire confiance, à suivre leur intuition, à travailler et gagner ensemble », assène-t-elle.
Point fort des directeurs commerciaux, selon Michel De Siqueira : « la capacité d'écouter les interlocuteurs et de se mettre à la place des acheteurs. » Des compétences nécessaires pour un DG qui doit écouter toutes les parties prenantes afin d'aboutir à « une solution complète ». La direction commerciale donne également des compétences en négociation, indispensables pour un DG. « Le réflexe de commercial pousse à poser beaucoup de questions et voir les incohérences, témoigne Gérald Jasmin. À reformuler les propositions et à fonctionner avec des concessions et des contreparties ». Cela sert quand un DG négocie avec les partenaires sociaux, qui sont très affûtés, pour obtenir une situation win / win.
Et de nouveaux challenges
En revanche, quand Florence Loupe est devenu directrice générale dans une PME, elle a ressenti la solitude du dirigeant. « Cela m'a étonnée. Du jour au lendemain, je n'avais plus personne avec qui échanger, alors qu'auparavant la réunionite me pesait », se souvient-elle. C'est pour cela qu'il y a besoin de repenser le réseau, de trouver des personnes avec qui collaborer pour avoir de la créativité et des idées. Christophe Cance confirme : « à la cantine d'entreprise, le DG est seul à table. Il se fait moins challenger, voire pas du tout en interne ». Et doit donc chercher des stimulations à l'extérieur.
« Par ailleurs, devenir DG supprime l'adrénaline du rendez-vous, regrette Florence Loupe. Il faut donc la trouver ailleurs, par exemple accompagner des collaborateurs sur une affaire. Parfois c'est frustrant, mais c'est aussi gratifiant de les voir s'épanouir ». Christophe Cance reconnaît même avoir dû se « désintoxiquer". "Quand on est directeur commercial, on va en rendez-vous pour obtenir quelque chose. Il a fallu que j'appréhende les choses autrement », dévoile-t-il.
Autre défi : laisser assez d'autonomie à son successeur. « Il faut lui exprimer notre confiance, être transparent sur nos attentes », assure Gérald Jasmin. Il faut donc éviter des phrases du genre : « de mon temps, on utilisait telle méthode ». De son côté, Christophe Cance a évité de mettre les pieds dans le service commercial pendant six mois pour laisser le temps à son successeur « d'y implanter sa griffe ».
En devenant DG, les directeurs commerciaux ont des lacunes dans certaines matières qu'ils doivent combler. Florence Loupe reconnaît ainsi avoir « découvert toute la partie bilancielle et la structuration financière. » Mais aussi tout ce qui concerne la transition technologique.
Michel De Siqueira a passé beaucoup de temps avec son DAF, "car c'est important de comprendre ce que l'on signe », affirme-t-il. Pour cela, il ne faut pas avoir peur de jouer les naïfs. « Quand j'arrive, certaines personnes pensent que je sais à peine lire et j'en ai fait une force, caricature Florence Loupe. Ne pas être expert d'un sujet permet de poser des questions et de jouer les candides. Cela demande de mettre l'ego de côté ».
Pour Michel De Siqueira, un directeur commercial qui veut se préparer à un poste de direction générale a donc intérêt à prendre des projets transversaux, comme sur la RSE, sujet qui prend de plus en plus d'importance dans les directions générales. Les quatre dirigeants présents témoignent d'ailleurs de la mise en place de plusieurs projets tournant autour de celle-ci, que ce soit la réduction de l'empreinte environnementale ou l'amélioration de la prise en charge des accidents du travail. Des sujets demandent parfois des négociations particulières avec le service achats notamment, pour sortir du seul critère du prix.
D'une manière générale, en passant de directeur commercial à directeur général, Christophe Cance estime que « la vision est plus large mais la ligne directrice reste la même ». Et ce, que les CRO devenus DG choisissent ensuite de revenir à la vente ou d'évoluer ailleurs.