[Retail] (Re)créer une expérience client à dimension humaine
Offrir du plaisir en magasin avec des vendeurs aux petits soins : c'est le nouveau mantra des enseignes qui proposent une expérience bâtie autour d'une offre désirable, mise en valeur et complétée par une batterie de services adaptés aux nouvelles façons de consommer.
Je m'abonne"Bienvenue chez Levi's Champs Elysées, je suis votre denim ambassador, à votre service." Depuis quelques semaines, les clients sont ainsi guidés dans le nouveau flagship Levi's par un conteur intarissable qui leur confie moults détails sur l'histoire de la marque et pléthore d'anecdotes sur les produits. L'objectif : renforcer la relation avec la communauté.
"Apple est le tout premier, dès 2001, à avoir proposé des expériences qui n'étaient pas centrées sur la commercialisation de produits, se remémore Jean-Marc Mégnin, expert retail (Ex-Altavia). À l'époque, le monde était PC et les revendeurs multimarques ne référençaient pas la marque à la pomme. Pour se démarquer, elle a donc lancé son propre réseau de boutiques et investi dans l'humain. Vendre n'était pas l'objectif premier : il fallait avant tout offrir une approche relationnelle basée sur la transparence, le respect, une disponibilité d'écoute désintéressée et de l'empathie. Apple a d'ailleurs matérialisé cette approche dans un book de formation pour ses futurs conseillers ''Genius'' des Apple Store et Genius bar."
Réenchanter le magasin et recréer des occasions de visite
Depuis, l'idée a fait son chemin et surtout le e-commerce a accéléré le processus. Il fallait en effet absolument donner quelque chose en plus aux clients en boutique, sinon, ils effectuaient leurs achats sur le net, perçu comme un canal plus avantageux à plus d'un titre. Deux Français sur trois* déclarent ainsi que le e-commerce a eu un impact positif sur leur vie quotidienne : gain de temps, meilleure gestion du budget... Message reçu 5 sur 5 par les marques et les enseignes qui investissent pour réenchanter leurs points de vente.
En faisant voyager le client par exemple, à l'image de la petite place de village imaginée en plein Bon Marché Rive Gauche par la marque provençale Souleiado, qui, avec le concours de Label Expérience, exporte dans le grand magasin son art de vivre au soleil : rue pavée, fontaine en pierre, pots d'Anduze, tournesols, oliviers, et même un café ! "Coffee is the new lipstick, confie Laetitia Faure, CEO et fondatrice du bureau de tendances international Urban Sublime. Entendez par là que, en période d'inflation, les enseignes ont tout intérêt à capter des clients par des produits et expériences à des tarifs avantageux. Faire en sorte qu'entre leurs murs, les clients puissent s'offrir des moments de joie, comme une petite pâtisserie, un bon café. Cela laisse une image positive et permet de revenir plus souvent." Dans un autre grand magasin, le BHV Marais, l'option a été prise de privilégier le commerce événementiel, en organisant des ventes aux enchères avec la Maison Tajan. Une première qui a drainé un maximum de passionnés d'art, venus sur place faire expertiser gratuitement leurs pièces personnelles.
Introduire de l'hospitalité dans le retail
Plus le client viendra en magasin, plus il sera proche de l'enseigne et plus il lui sera fidèle. C'est le sens de toutes ces nouvelles expériences, comme le rappelle Jean-Marc Mégnin : "Le service doit permettre de garder la main sur le client." Parfois au sens premier du terme, comme chez le concessionnaire Rivian, constructeur automobile américain spécialisé dans les voitures électriques. "Celui-ci mise sur l'expérience et le relationnel dans ces espaces de vente. Les espaces enfants sont au premier plan : ils sont invités à sauter dans les voitures, histoire de permettre aux parents de les laisser s'amuser pendant qu'eux s'intéressent aux véhicules. La convivialité est de mise, avec des espaces où il fait bon vivre, comme à la maison, avec un salon, une cuisine, une bibliothèque... Tout est fait pour permettre aux clients de se détendre et de se familiariser avec les modèles électriques, qui est un marché naissant", décrit Laetitia Faure.
"Les enseignes ont tout intérêt à faire en sorte qu'entre leurs murs, les clients puissent s'offrir des moments de joie" Laetitia Faure (Urban Sublime)
Pour ce faire, il a nécessairement fallu revoir la philosophie du vendeur qu'on recrute, à qui l'on va demander autre chose que du commercial. Par exemple, chez Gucci, les équipes n'embauchent plus de simples vendeurs mais des architectes, des artistes, des musiciens... Autant de profils différents qui vont devenir de futurs Dream-makers pour les clients de la marque. Cela passe aussi par la création d'écoles de formation et de diplômes par les enseignes (comme Gucci Grade) et beaucoup d'investissement dans l'humain.
Redonner du pouvoir d'achat, le service ultime
Les précurseurs, comme la marque française de sneakers écoresponsables Veja, vont jusqu'à développer des magasins où ils ne proposent que du service. Illustration avec le Veja General Store, inauguré à Paris en février dernier. C'est un espace 100% dédié à la réparation, ouvert 7 jours sur 7, avec deux cordonniers et un tailleur qui s'affairent à prolonger la durée de vie des chaussures et des vêtements, quelle que soit leur marque. "Non seulement l'enseigne aide les consommateurs à faire durer leurs produits, mais en plus, en proposant également son service de réparation sur du textile où elle n'est pas présente, prend naturellement'position sur un nouveau marché", souligne Jean-Marc Mégnin.
Citons aussi l'enseigne suédoise Ikea, qui organise des brocantes sur ses parkings pour permettre aux clients de vendre leurs produits et au passage de récupérer du pouvoir d'achat. Ou encore Mondial Tissus, qui innove avec ses puces couturières pour tous les passionnés et amateurs de DIY et de couture : un vide-grenier gratuit sur le parking de ses magasins. Chacun peut y écouler ses stocks de tissus, ses accessoires ou son équipement de couture. L'inscription en tant qu'exposant est gratuite et se fait directement auprès des équipes de vente des magasins concernés.
Dans un autre univers, JouéClub s'illustre aussi en la matière en créant Troc O'Joué. "C'est le service d'occasion que nous avons lancé en test en 2021 puis déployé de façon permanente en mars 2023 dans 130 magasins, décrit Franck Mathais, porte-parole de l'enseigne. Cela nous a pris deux ans pour roder ce service car l'achat et la revente de jouets, c'est un autre métier. Il y a un dispositif légal à suivre : renseigner une fiche par clients, sélectionner les garanties de SAV... D'un point de vue merchandising aussi, il a fallu nous ajuster, avec un affichage et un balisage spécifique en rayon tout en considérant que ces jouets n'ont plus d'emballage. Ce qui impose de revoir la politique d'implantation des produits. Enfin, nous avons formé nos équipes à la négociation avec le client, nous avons mis en place un référent occasion." Les premiers résultats sont encourageants, avec une relation clients renforcée, et des taux de revente supérieurs à la reprise. L'enseigne propose ainsi une alternative économique à ses clients tout en promouvant une démarche responsable. "Nous visons une part de marché de 5 % pour les jouets d'occasion d'ici 2028", conclut-il.
* Sondage Odoxa réalisé pour la Fevad, février 2024