DossierQuels commerciaux motiver ?
Une équipe commerciale est composée d'éléments aux résultats inégaux. Mais vos efforts pour motiver votre force de vente doivent-ils être les mêmes pour tous vos commerciaux ou s'adapter à chacun ? Tour d'horizon des différentes pratiques. Issue d'Action commerciale - N°330 - Mars 2013

Sommaire
1 Motiver les meilleurs commerciaux
Au sein d'une force de vente, qui a besoin d'être motivé ? Globalement, les managers auraient tendance à répondre, en fonction des cas, le "ventre mou", ou bien les moins bons, sous condition qu'ils en vaillent la peine. Et pourtant, dans les faits, quels sont les collaborateurs qui sont récompensés lors des challenges ? Qui remporte les voyages ou les cadeaux ? Vos meilleurs commerciaux. Ont-ils besoin d'être motivés ? Peut-être pas... Mais peut-on réellement faire l'impasse sur cette pratique courante qui consiste à récompenser les meilleurs ?
Parce que motivation et récompense se confondent, il est peut-être temps de revoir certaines de vos pratiques managériales et de vous poser enfin les bonnes questions. Si les réponses sont loin d'être simples, quelques pistes de réflexion existent.
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2 Récompenser seulement les meilleurs commerciaux
Si vous ne stimulez pas suffisamment les meilleurs éléments de votre équipe, vous prenez le risque de les voir partir. " Ces commerciaux sont souvent ceux qui détiennent une part importante de l'histoire de l'organisation commerciale, voire de l'entreprise : contact client, carnet d'adresses... ", affirme Laurent Tylski, p-dg d'Acteo Consulting, spécialisé en motivation. Vous perdriez donc beaucoup en les laissant filer pour ne pas avoir récompensé leurs efforts. C'est d'autant plus vrai que, dans le contexte économique actuel, vos meilleurs commerciaux, à savoir ceux en charge des grands comptes, les seniors et souvent ceux qui ont le plus d'expérience et d'ancienneté, " sont ceux-là même qui parviennent le mieux à tirer leur épingle du jeu et à réaliser du chiffre ", indique Laurent Tylski...
Ces éléments moteurs doivent donc être les premiers récompensés lorsqu'ils performent en pleine crise. Laurent Sauvage, directeur de la formation au sein du cabinet Enora Consulting, souligne qu'" en récompensant les meilleurs commerciaux, vous créez un facteur de motivation pour les autres, du moins ceux qui sont proches en termes de résultats. " En effet, la présence de ces cadors de la vente, obtenant des privilèges et des avantages, suffit dès lors à motiver les vendeurs qui suivent au classement, souhaitant égaler leurs résultats pour bénéficier du même traitement.
Mais récompenser les meilleurs ne signifie pas se concentrer sur ceux qui enregistrent le plus gros chiffre d'affaires. Ceux qui développent le meilleur potentiel de business, ou encore qui ont connu la plus belle progression peuvent être considérés comme "les meilleurs". C'est ce que fait Horizontal Paris, société spécialisée dans la prise de rendez-vous B to B. Certes, elle récompense les meilleurs de ses 17 commerciaux par son système de rémunération, mais elle motive aussi ceux qui surperforment aux moments-clés : " En période de clôture des exercices, il est difficile d'entrer en contact avec les directeurs financiers. Aussi, nous mettons en place des opérations de stimulation qui récompensent la capacité à atteindre cette cible difficile ", explique Cédric Buisson, directeur exécutif d'Horizontal Paris.
Lors de périodes charnières chez Kompass international, la direction commerciale n'hésite pas à miser sur ses meilleurs éléments. " En début ou en fin d'année, lors du lancement d'une nouvelle offre... bref, à tous les instants où il faut booster l'activité, je concentre mes efforts de motivation sur les meilleurs commerciaux ", explique Catherine Charlin, directrice commerciale de la société. " Ce sont eux qui génèrent le plus de chiffre d'affaires et ils sont aussi les plus réactifs ", justifie-t-elle. Pour ce faire, les dix meilleurs vendeurs disposent d'un traitement de faveur. Ayant obtenu les meilleurs résultats annuels, ils font partie du club des cadors, et se voient remettre un trophée lors d'une soirée festive. Ce club ViP permet de partager la reconnaissance des supérieurs hiérarchiques avec l'ensemble de l'entreprise. Mais ce n'est pas l'unique avantage. " Nous les faisons participer à certains travaux de réflexion de la direction commerciale. Par exemple, il nous arrive de recueillir leur avis sur la construction d'une nouvelle offre. Le fait de les impliquer est un facteur de motivation ", souligne Catherine Charlin. Autre axe de motivation distinctif : un concours de vente dédié au top de la force de vente, auquel seuls ces dix meilleurs participent. Enfin, les cadors de la vente ont la possibilité de coacher sur le terrain les commerciaux les moins bons. La directrice commerciale constate un double effet bénéfique : " Cet accompagnement permet de motiver les meilleurs, fiers d'être pris comme exemples, et de faire réaliser aux vendeurs coachés qu'ils peuvent eux aussi parvenir à un tel niveau de résultats. "
Si les meilleurs commerciaux n'ont pas forcément besoin d'être motivés, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent être récompensés. D'autre part, les meilleurs sont aussi ceux qui montrent un fort potentiel.
3 Ne considérer que les meilleurs commerciaux : attention aux risques !
Emmanuel Labbé, directeur commercial d'Itesoft, éditeur de logiciels, rappelle que motiver uniquement les meilleurs n'est pas sans conséquence. Aujourd'hui à la tête d'une petite équipe commerciale, il exerçait auparavant dans une entreprise anglo-saxonne qui n'encourageait que ses commerciaux les plus performants. " Nous avions des cycles de ventes courts et nous privilégions les meilleurs vendeurs par des rémunérations et des primes attractives. Cela tirait l'activité vers le haut, mais en contrepartie, le taux de turnover était de 33 %, voire plus à certaines périodes ! ", se souvient le manager. " Lorsque l'on pousse l'élite seule, la force de vente se retrouve avec à sa tête des commerciaux à l'ego surdimensionné qui deviennent difficiles à gérer, et qui ont des difficultés à garder les pieds sur terre ", prévient-il encore.
4 Faut-il motiver les moins bons ?
Évincer les moins bons de vos programmes de motivation sous prétexte qu'ils ne contribuent pas assez à votre performance commerciale pourrait vous coûter cher. " Car quels que soient leurs résultats, ils représentent l'entreprise au même titre que les autres, rappelle Loïc Saroul, consultant pour le cabinet Aon Hewitt. Ne pas les motiver risque de les encourager à véhiculer une mauvaise image de la société auprès de leurs interlocuteurs : clients, prospects, partenaires ou concurrents. "
Cependant, impossible de récompenser directement des commerciaux qui n'enregistrent pas de bonnes performances : " Les meilleurs ne comprendraient pas ", souligne Philippe Villetelle, directeur associé de l'agence de stimulation Incentive Office. Mais il est toutefois souhaitable de mener quelques actions ponctuelles. Ainsi, pour éviter de laisser sur le banc de touche vos éléments les moins performants - sans verser d'énormes primes -, envisagez plutôt quelques efforts simples, adaptés à leur problématique, comme la formation ou l'accompagnement.
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" La présence de managers intermédiaires sur le terrain à côté des vendeurs les plus à la peine s'avère très efficace, surtout à l'heure où beaucoup d'entreprises souffrent d'un manque d'accompagnement managérial des forces de vente ", précise Loïc Saroul (Aon Hewitt). Bénéficier d'une aide, de conseils sur la préparation des entretiens, sera pour eux motivant et bénéfique. " D'autant que souvent, un problème de quantité cache un défaut de qualité. Un nombre insuffisant de ventes signées est généralement le signe d'une mauvaise approche commerciale plus que d'un manque de travail ", conclut Loïc Saroul. En apportant un minimum de motivation aux commerciaux les moins performants, vous parviendrez à "sauver" ceux qui ont réellement le potentiel de s'améliorer.
Vidéo : L'incentive et la motivation
Auparavant adepte des concours de vente, Édouard de Rémur, directeur commercial du département moyennes et grandes entreprises d'Oodrive, éditeur de logiciels, a arrêté cette pratique. " Je me suis aperçu que hormis deux ou trois commerciaux qui atteignaient la tête de classement, les autres ne participaient pas ", explique-t-il. Désormais, le directeur commercial mise sur une prime collective trimestrielle pour motiver ses 27 commerciaux. Chacun la remporte, à condition que l'objectif global ait été atteint. L'échéance du trimestre approchant, les commerciaux "en retard" se font aussitôt rappeler à l'ordre par les autres, se motivant ainsi les uns les autres. " Cela s'avère d'une efficacité redoutable ! En motivant l'ensemble, les résultats sont au rendez-vous. Je n'ai pas à leur mettre la pression, elle vient des commerciaux eux-mêmes ", souligne Édouard de Rémur. Autrement dit, les "moins bons" des commerciaux sur une période donnée se font booster par les meilleurs. " Un système de motivation en équipe qui ne pourrait pas fonctionner si la force de vente n'était pas aussi soudée ", reconnaît toutefois le directeur des ventes.
Mais la motivation collective seule ne suffit pas. Oodrive récompense les commerciaux à titre individuel suivant leur niveau de chiffre d'affaires, en leur offrant des perspectives d'évolution de carrière. S'ils parviennent à réaliser un certain seuil de chiffre d'affaires, ils se voient proposer un poste de manager, avec sous leur responsabilité un commercial junior, ou un poste à l'international, avec là aussi un junior à manager. Toutefois, le directeur commercial apporte un bémol et rappelle que le premier élément de motivation est le cadre de travail. " C'est important d'apporter à tous ce socle de motivation. Nous sommes souples sur les horaires et le cadre de travail est agréable : 600 m² de terrasse, baby-foot, cuisines à tous les étages, open-bar les vendredis soirs... De bonnes conditions pour que l'ensemble des commerciaux aient envie d'arriver au bureau ! "
Si les meilleurs commerciaux doivent être récompensés, les moins bons ne doivent pas être oubliés. Il convient non pas de les récompenser mais de les aider grâce à un accompagnement ou une formation.
5 Stimuler le plus grand nombre de commerciaux
Convaincu que la performance globale est obtenue majoritairement par le "ventre mou", autrement dit par la majorité de la force de vente, Philippe Villetelle (Incentive Office) préconise vivement de " ne pas négliger l'ensemble des commerciaux au profit d'une sous-partie de la force de vente ". Afin de toucher la majorité de la force de vente, Laurent Sauvage (Enora Consulting) recommande quant à lui de créer plusieurs catégories en motivant les meilleurs de chacune, pour finalement atteindre l'ensemble des commerciaux.
" Il est intéressant de constituer quatre groupes pour les challenges : juniors, confirmés, seniors et managers, et de prévoir les mêmes récompenses pour les vainqueurs de chaque catégorie ", propose-t-il. Et d'ajouter que l'écart entre les différentes catégories portera sur le niveau de rémunération.
De son côté, selon Laurent Paitschin, spécialiste de la performance commerciale et professeur à l'école de management Novancia, préconise de rapprocher les échéances des opérations de stimulation. " Ainsi, tous les six mois par exemple, les cartes sont rebattues et toutes les chances repartent de zéro. " Mais l'expert va encore plus loin en recommandant de ne privilégier aucune catégorie de commerciaux plutôt qu'une autre. " Tous les vendeurs ont besoin d'être motivés, indépendamment de leurs résultats ", affirme-t-il. Ainsi, il préconise de loger tous les commerciaux à la même enseigne, et de ne pas les récompenser uniquement sur des résultats chiffrés. " Surtout en temps de crise, insiste Laurent Paitschin, car en ces périodes économiques tendues, les chiffres perdent leur signification habituelle. " Les ventes peuvent davantage dépendre du contexte que du travail du commercial.
6 Motiver collectivement la force de vente
Dans cette logique où tous les commerciaux doivent être motivés, pourquoi ne pas miser sur des challenges collectifs ? " Ainsi, au sein d'un même groupe de commerciaux, les moins bons seront naturellement encouragés et poussés par les meilleurs, qui n'accepteront pas de perdre à cause d'eux ", explique Laurent Tylski (Acteo Consulting). Cette logique est d'autant plus d'actualité qu'" aujourd'hui, et depuis quelques années, nous faisons face à ce que l'on appelle des ventes complexes ", rappelle-t-il, en précisant que désormais, celles-ci nécessitent une multitude d'acteurs, que ce soit du côté du vendeur ou de l'acheteur. Difficile, dans ce contexte, de ne récompenser qu'un seul élément alors que plusieurs personnes auront contribué à ce succès !
Autre solution évoquée par Laurent Tylski : les systèmes de mentoring, permettant quant à eux de stimuler les meilleurs éléments tout en motivant les moins bons : " Les juniors bénéficient d'une montée en compétences par les seniors, qui endossent ainsi des responsabilités managériales. " Ainsi, les premiers se sentent écoutés, entendus et soutenus, lorsque les seconds voient s'ouvrir devant eux des perspectives d'évolution de carrière vers le métier de manager, et la reconnaissance d'une capacité à transmettre leur savoir et leurs techniques. " Il est même possible d'aller jusqu'à indexer les primes des seniors sur les résultats des juniors ", suggère Laurent Tylski. Une méthode de motivation gagnant-gagnant qui mérite d'être davantage utilisée.
" Il est globalement admis que le commercial reste au même poste, au sein de la même entreprise, pour une durée moyenne de trois années ", déclare Laurent Sauvage directeur de la formation du cabinet Enora consulting. Cette estimation est précieuse car elle vous permet de vous situer dans le temps, et d'adapter votre programme de motivation suivant les cas. Ainsi, si en début de cycle le collaborateur est très motivé par la perspective de remporter un voyage ou un cadeau, une fois l'indicateur des trois ans dépassé, ce même commercial devrait aspirer à d'autres récompenses. Une évolution de carrière, l'acquisition de nouvelles compétences ou encore la prise de responsabilités le séduiront davantage. En revanche, si au bout de trois ans, un commercial montre des signes importants d'essoufflement, faut-il déployer des efforts de motivation pour sauver une relation qui semble arriver à terme ? La question mérite d'être posée...
Certains spécialistes recommandent de motiver m'ensemble des commerciaux, sans privilégier une catégorie particulière.
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