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Méthodologie

La boîte à outils de l'Intelligence collective
Chapitre III : Construire la vision partagée

Fiche 01 : La vision partagée

  • Retrouvez 7 fiches outils dans ce chapitre
  • Publié le 30 nov. 2017
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La boîte à outils de l'Intelligence collective

7 chapitres / 65 fiches

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Construire une vision partagée



En résumé

La vision partagée donne une direction, un sens et des valeurs désirables. Elle formule l'aspiration collective, c'est-à-dire ce que l'organisation souhaite devenir. C'est une référence commune à partir d'un diagnostic partagé qui rend plus agile l'organisation et qui oriente les actions portées par tous autour d'ambitions et d'objectifs.

Sa co-construction signe un modèle managérial et crée les conditions de la responsabilisation. Plus les collaborateurs sont impliqués en amont et tout au long du processus, plus la vision partagée sera véritablement appropriée et mise en oeuvre.


Pourquoi l'utiliser ?

Objectif

  • Mobiliser l'ensemble des collaborateurs d'un collectif de taille variée autour d'une vision, d'une direction communes.
  • Orienter l'action des collaborateurs vers un futur désiré.
  • Co-créer une dynamique autour d'un sens partagé.
  • Créer une réalité et un imaginaire communs responsabilisants, productifs d'énergie et qui orientent l'action de tous.

Contexte

L'élaboration d'une vision partagée est adaptée dans différentes phases : construire un projet d'entreprise, réactualiser un projet, donner un nouveau souffle, en situation de crise, changements importants (fusions-acquisitions, restructurations...).

Comment l'utiliser ?

Étapes

  • Le leader élabore une intention pour son entreprise. Il a sa vision personnelle.
  • Il travaille une vision avec son comité de direction ou son équipe.
  • Il organise des journées de partage, de co-construction et de formulation d'une vision enrichie par l'expression des visions personnelles de l'ensemble des collaborateurs. Que souhaitons-nous devenir dans trois ans, dans cinq ans ? Des méthodes créatives vont " forcer " à se déplacer dans le temps. Des rencontres et dialogues avec des inspirateurs de futur, scientifiques, anthropologues, clients, capteurs de signaux faibles, peuvent stimuler les façons de penser originales, faire bouger les lignes, les schémas mentaux, produire de nouvelles croyances et des ruptures.

La solidité de cette vision suppose des phases clés réalisées en commun :

  • diagnostic partagé qui peut prendre la forme de l'élaboration d'une carte des tendances reprenant les réponses aux questions : Quels sont les grands changements en cours et à venir ? Quelles sont les forces, faiblesses, menaces et opportunités ? Quels sont les défis à relever, nos croyances limitantes ou aidantes ? Le partage de la situation actuelle et des tendances, des peurs, des joies se fait en écoutant ce que les différentes parties du système ont comme expériences et connaissance de la situation et fait partie du chemin ;
  • choix ou réaffirmation de valeurs et de modes de fonctionnement : Qu'est-ce qui compte vraiment pour nous et qui nous relie ? Qu'avons-nous envie d'être ?
  • traduction de la vision en ambitions et en objectifs concrets.

Méthodologie et conseils

En fonction du niveau de maturité ou du désir de responsabilisation des collaborateurs, le leader choisit jusqu'à quel niveau il souhaite les impliquer dans l'élaboration de la vision.

Construire la vision avec tous, c'est mettre à parité l'ensemble du personnel de l'entreprise et accepter les contradicteurs.

Plus la vision est enthousiasmante et bâtie autour d'un futur désirable et collectivement à chaque étape du processus, plus l'engagement des collaborateurs sera fort.

Avantages

  • Ce temps fort crée une dynamique et génère de l'énergie.
  • Il structure l'action et le pilotage des résultats autour de valeurs et de modes de fonctionnement partagés.

Précaution à prendre

  • Une vision qui veut mobiliser en profondeur les collaborateurs comporte des dimensions d'amélioration sociale et sociétale au-delà de la portée économique.

Comment être plus efficace ?

Bryan Smith décrit différents stades de construction de la vision dans La Cinquième Discipline : Le guide de terrain.

Reconnaître ces stades, être en mesure de repérer la façon dont la vision a été élaborée permet d'accompagner les sauts que le dirigeant souhaite faire faire à son organisation. Cela parle aussi des changements de modèles mentaux et de type de leadership qui vont s'imposer...

Voici le découpage en cinq stades simplifiés et simplificateurs mais clarifiants qu'il propose. Le premier est caractéristique du dirigeant qui a élaboré la vision seul et qui se voit comme le sachant ; le dernier, du leader qui crée le cadre et s'assure du processus pour que la vision émane du collectif.

Stade 1 : " la déclaration "

Le dirigeant annonce la vision de ce que sera l'organisation et de ses buts d'ici X ans.

Les salariés ne sont pas consultés, ils sont informés. Ils doivent se conformer, au risque d'être mis hors jeu.

Cette vision déclarée peut susciter de l'engagement si elle correspond à un diagnostic posé, non partagé, mais répondant à une réalité perçue, à un changement ou une orientation reconnue comme bénéfique pour le groupe. La direction explique, recherche l'adhésion au projet, donne les raisons du choix, communique sur l'urgence du défi à relever pour mobiliser les personnes et limiter la passivité.

Stade 2 : " la vente "

Le but est de faire accepter la vision en étant persuadé que celle-ci constitue la bonne réponse aux défis. Le dirigeant a conscience qu'il a besoin que les collaborateurs soient les plus engagés possible. Dès lors la vente consiste à démontrer que ce projet satisfera des besoins des collaborateurs considérés comme des clients. Le dirigeant indique le sens qu'il lui donne en s'impliquant sincèrement.

Stade 3 : " la vérification "

Le dirigeant communique la vision pour la tester, savoir si elle suscite de l'engouement, ce qui mobilise les collaborateurs, ce qu'ils soutiennent ou rejettent. Il tient compte des avis de ceux qu'il consulte, le plus souvent par enquête ou en groupes, favorisant l'anonymat.

Stade 4 : " la consultation "

Le dirigeant recueille les propositions des collaborateurs avant de décider de la vision. Il veut obtenir des réponses de collaborateurs engagés qui proposent des options. Cela produit beaucoup de matière difficile à traiter, prend du temps pour que les équipes s'en emparent et fassent remonter des idées exploitables. Le dirigeant risque de finir par un compromis qui ne satisfait personne et crée peu d'engagement.

Stade 5 : " la co-création "

Chaque membre de l'organisation est en position de créer du nouveau en partant de l'expression de sa vision personnelle et d'exprimer en équipe la raison d'être de l'organisation et les valeurs actuelles ou nouvelles associées. Les points de vue circulent de la base vers le haut, en retour et entre les équipes. Le dialogue interdépendant crée une dynamique et joue sur les schémas mentaux. Les collaborateurs s'enrichissent et agissent en coproduisant leur avenir.

Il existe des stades où la co-création est encore plus poussée, les collaborateurs sont force de proposition dans les systèmes vivants auto-organisés, où le pouvoir de décision est distribué et où apprenance et maîtrise personnelle se sont développées dans un cadre de confiance.

CAS : Un bureau d'ingénierie

Comment déployer le projet stratégique sur le terrain et en faire une occasion pour changer la nature des relations avec les équipes ?

Il est fréquent voire tristement banal que la vision et le projet stratégique qui en découle soient rédigés par un dirigeant seul dans son bureau, ou éventuellement avec son équipe de direction, et qu'une communication sur papier glacé et/ou PowerPoint ou avec force affichage des valeurs tienne lieu de déploiement et de vision partagée par le terrain.

Dans un bureau d'étude d'ingénierie de plusieurs milliers de personnes répartis sur l'ensemble du territoire national, les dirigeants ont voulu aller au-delà de l'élaboration de la vision et du projet stratégique par la centaine de top managers, ce qui constituait déjà une grande différence avec les façons de faire pratiquées préalablement dans cette entreprise.

Faire du projet stratégique un outil de management

Il s'est agi de mobiliser l'ensemble des collaborateurs autour de la vision et d'organiser à la fois son déploiement et son animation en faisant du projet stratégique un vecteur de l'évolution culturelle et managériale. Ce projet stratégique comprenait trois niveaux : la vision exprimée sous forme de trois défis, chaque défi comptant des ambitions majeures avec des indicateurs permettant d'en suivre l'évolution et des transformations dans les façons de penser et d'agir nécessaires à la réalisation de l'ambition. Les transformations ont été co-construites par des groupes inter-hiérarchiques et mélangeant les métiers lors de dialogues profonds.

Un projet local par entité y compris pour le comité de direction

Le déploiement s'est fait sur plusieurs semaines, chaque responsable d'entité réunissant l'ensemble de ses collaborateurs pour les informer, expliquer et faire réagir sur le projet stratégique - cadre commun à tous - ; choisir collectivement les priorités pour l'entité, notamment en termes de transformation ; enfin identifier les actions locales à partir d'un sens partagé et du contexte spécifique de chaque entité.

Le comité de direction a également élaboré les actions qu'il allait lui-même engager.

Au-delà du suivi des feuilles de route et des indicateurs, l'intention était que chaque entité se transforme vraiment tout en faisant aboutir les actions au quotidien.

Des risques partagés avec les managers

Le risque, reconnu par tous, était de retomber dans la routine après une phase d'enthousiasme, d'être repris par les actions du quotidien considérées comme prioritaires sans changer les modèles mentaux ni les façons de travailler. Le rôle du manager dans ce processus évoluait d'un rôle de contrôle à un rôle de soutien en s'intéressant autant aux résultats qu'à la façon dont ils étaient (ou pas) obtenus, en parlant honnêtement, dans des relations inter-individuelles ou lors de dialogues collectifs, des satisfactions et des difficultés. Le manager contrôleur devient alors un manager accompagnateur à l'aise avec la question : de quoi as-tu besoin pour réussir encore mieux ?

Béatrice Arnaud, Sylvie Caruso Cahn

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